Une fête dont la mode ne passe pas

J’écris chaque mois sur la mode. Mais il ne faut pas réduire ce concept aux seuls vêtements ou styles vestimentaires. La mode, c’est tout ce qui devient populaire à une époque donnée : une coque de téléphone, une couleur, un refrain de chanson, un plat, un type de café, un style de vie, voire un comportement...

Par Meliha Serbes
Publié en Juin 2025

Selon le Dictionnaire de la Langue Turque, « être à la mode » signifie qu’une chose devient courante, adoptée par la société. À l’inverse, « passer de mode » signifie perdre de l’intérêt, devenir obsolète.

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J’ai passé la fête avec ma famille. Certaines habitudes ne passent jamais de mode, même au fil des années. Pour nous, les fêtes sont des moments où certaines traditions se répètent fidèlement. Le premier jour, nous nous retrouvons en famille restreinte. Le deuxième jour, nous allons au village rendre visite à nos proches : d’abord les tantes de mon père, ensuite les oncles de ma mère, et enfin mon oncle. Si la fête tombe en été, une sortie à la montagne est incontournable. En automne ou en hiver, elle est parfois annulée, mais les autres rituels restent inchangés. En moyenne, je vois environ 150 membres de ma famille à chaque fête. Comme nous sommes une grande famille, nos traditions perdurent plus solidement.

Le village de mon père est l’un des rares endroits encore verdoyants d’Anatolie centrale. J’ai appris, lors d’une conversation avec des gardes forestiers, qu’il est situé à flanc de colline, au bord de la seule forêt de la région. Quand j’étais enfant, il n’y avait pas de patrouilles forestières. Les arbres morts ou desséchés étaient laissés tels quels. Depuis une dizaine d’années, une gestion forestière plus structurée s’est mise en place. Les arbres morts sont désormais abattus de manière contrôlée et soigneusement empilés. Les nouveaux arbres sont plantés avec précision, selon un alignement qui permet non seulement de prévenir les incendies, mais aussi d’apporter une harmonie visuelle.

Nous n’allons pas en forêt pour pique-niquer, mais pour cueillir des champignons. On y trouve aussi des noisetiers, des églantiers, des aubépines, des poiriers sauvages et des ronces. Mais ce sont les champignons qui rendent cette activité si excitante. Dès qu’il pleut et que le soleil pointe, ils poussent très rapidement. On les trouve généralement au pied des pins, près des buissons ou dans l’herbe plus foncée. Lorsqu’on en trouve un, il y en a presque toujours un autre juste à côté.

Enfant, ramasser des champignons me semblait être un jeu de cache-cache. Trouver un champignon caché dans la terre, le détacher délicatement, respirer son parfum... c’était un bonheur indescriptible.

Dans notre village, les champignons portent des noms locaux : evlek, evlek jaune, evlek noir, yeryaran, foskulak, morille, champignon des pins... Il existe aussi des espèces toxiques, mais nous avons appris à les reconnaître à leur apparence et à leur texture.

Ma grand-mère avait une méthode bien à elle ‒ que nous adorions – pour les identifier : « Souffle sur les lames du champignon. Si un son en sort, tu peux le manger ; sinon, surtout pas ! » Mon grand-père s’y opposait toujours, mais ma grand-mère la pratiquait avec le plus grand sérieux. Nous, les enfants, riions de leurs petites disputes pleines de tendresse.

Parfois, la vraie mode ne réside pas dans la nouveauté, mais dans ce que l’on réussit à préserver du passé.