Redonner des valeurs pour juguler la débâcle morale…​

L’abominable meurtre, à Nogent, de Mélanie, l’assistance d’éducation victime de sept coups de couteau portés par un collégien de 14 ans, vient de bouleverser toute la France, d’autant plus qu’il s’ajoute à une tragique série de crimes à l’arme blanche perpétrés par des adolescents.

Par Gisèle Durero Köseoğlu
Publié en Juin 2025

L’abominable meurtre, à Nogent, de Mélanie, l’assistance d’éducation victime de sept coups de couteau portés par un collégien de 14 ans, vient de bouleverser toute la France, d’autant plus qu’il s’ajoute à une tragique série de crimes à l’arme blanche perpétrés par des adolescents. Après que le procureur ait signalé que l’intéressé n’exprimait « aucune compassion pour les victimes » et surtout, était incapable d’expliquer son geste, toutes les chaînes de télévision se sont empressées d’organiser des débats pour tenter de comprendre les causes d’un tel déchaînement de violence. Certains incriminent d’emblée le couteau et proposent d’en interdire la vente aux mineurs. Rappelons toutefois que le Code de la sécurité en a déjà prohibé le port sans motif légitime, et qu’il est passible d’une lourde amende. Cela n’a pas empêché en 2025, lors de fouilles aléatoires, les policiers de découvrir 186 couteaux sur 6000 élèves contrôlés. Alors, pourquoi un adolescent porte-t-il un couteau dans son sac d’école ? Sans être spécialiste de criminalité, on peut dégager quelques pistes sur ce terrible fait de société. Tout d’abord, il semble que certains le prennent pour pouvoir se défendre en cas d’agression, ce qui met en évidence l’échec de toutes les actions de prévention destinées à lutter contre le harcèlement scolaire. Ensuite, beaucoup d’autres sont prisonniers de l’addiction à des jeux-vidéos d’une extrême violence qui banalisent les crimes les plus odieux et les invitent à s’identifier durant des heures à un assassin. De plus, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives signalait que pour l’année 2022, 5,3% des collégiens avaient déjà expérimenté la drogue, 16,2 % en Seconde et 31,2% en Terminale, ce qui pourrait expliquer certains passages à l’acte dus à la désinhibition opérée par les stupéfiants. Cependant la cause la plus évidente de délits très violents effectués par des mineurs n’est-elle pas l’effondrement progressif des repères dans notre société malade ? La cellule familiale, qui offrait une sécurité aux enfants, a éclaté. Les foyers où le parent isolé rentre trop tard du travail pour savoir ce que l’adolescent a fait en son absence se sont multipliés. L’école et ses diplômes ne garantissent plus la perspective d’un futur prospère. Le contexte international, avec sa récession économique, ses guerres voire sa menace nucléaire, fait peser une chape d’angoisse sur tous. Alors, que faire ?

Tant qu’on ne changera pas les lois pour sanctionner rapidement les délinquants ; tant qu’on ne s’attaquera pas drastiquement à la lutte contre le narco trafic qui gangrène la jeunesse ; tant qu’on ne redonnera pas de cours de morale ; tant qu’on ne dotera  pas l’Education nationale d’un nombre suffisant de professeurs et d’assistants d’éducation pour former les esprits ; tant qu’on ne pourvoira pas les établissements scolaires de médecins et de psychologues pour traiter les sujets atteints de troubles psychiatriques, tant que, tant que, on peut allonger l’énumération…

Toutefois, le plus urgent ne serait-il pas de redonner des valeurs ? On a gommé l’amour de la patrie en le considérant comme un concept réactionnaire ; on a gommé l’amour du travail bien fait en l’assimilant à une détestable corvée ; on a gommé l’amour de la famille en la considérant comme une structure obsolète, souvent remplacée par la solitude pour tous ; on a gommé le romantisme, l’amour du couple, en le jugeant dépassé et destiné à sombrer dans la déconfiture ; on a gommé la réflexion philosophique en la troquant contre des joutes oratoires où toute opinion divergente est vouée aux gémonies. Désormais, de nombreux jeunes sont seuls face à leur absence d’espérance et de foi en l’avenir, on ne leur a donné comme ambition que de remplir leur chariot de supermarché de marchandises cancérigènes ou de se procurer les appareils issus des dernières technologies. En latin, le mot « derelectio » désignait un abandon complet ; puis, les  philosophes mystiques l’ont utilisé pour qualifier la condition de ceux qui avaient perdu la grâce divine ; aujourd’hui, selon le dictionnaire Robert, le mot qualifie l’état de la personne qui a chaviré dans une solitude extrême. À ce titre, beaucoup de jeunes sont dans la déréliction. Ce n’est certes pas une excuse pour justifier les crimes et la barbarie. Mais si nous n’opérons pas une refonte morale de notre société en promouvant des valeurs pour redonner de l’espoir, nous risquons de multiplier, demain, les minutes de silence…