Le professeur Dr Cengis T. Asiltürk, réalisateur et scénariste, nous parle de son nouveau film, Le Cri des papillons, sorti ce mois-ci.
Comment est né l’idée de votre nouveau film, Le Cri des Papillons ?
En fait, j'ai écrit cinq scénarios de films que j'ai vraiment envie de tourner. Le Cri des Papillons est du nombre. Si j’ai d’abord choisi de tourner ce film avant les autres, c’est principalement pour des raisons budgétaires. Mais je suis déterminé à les tourner tous les cinq…
Comment s'est déroulé le processus d'écriture ? Quels sont les facteurs principaux qui ont façonné l'univers que vous avez créé ?
Je pense avoir la volonté d’un créateur résolu à achever ce qu’il entreprend, que je réalise un film ou que j'écrive un roman. Telle est ma détermination. En fait, j'ai travaillé toute ma vie, j'ai appris à lire et à écrire à quatre ans et depuis, je raconte des histoires, j'en ai toujours ressenti le désir. Le cinéma est avant tout pour moi un art de raconter des histoires. Gagner de l'argent, devenir célèbre, cela ne m'intéresse pas. Je veux raconter quelque chose avec une attitude de derviche. J'écris ou je réalise des films avec l'envie de dire : « Regardez, ça pourrait être une histoire, ça pourrait être un mode de vie. » C’est la raison pour laquelle le film se qualifie comme « un film pas comme les autres ».
En quoi ce film diffère-t-il de vos précédents films ?
Pendant mes années à la TRT, la grande majorité de mes fictions étaient des téléfilms, mais je les tournais comme des films. Il est très difficile d'expliquer brièvement les différences entre une fiction télévisée et un film, mais, pour résumer, ils sont très différents sur le plan formel. Même si la méthode de production et les matériaux sont identiques, la caméra, l'éclairage, le son, les acteurs, les décors… Un film de cinéma est très différent d’une fiction télévisée, c’est un film « hors du commun ». Il y a toujours un point central dans mes récits : un monde fictif. Je veux raconter des choses qui appartiennent à des mondes imaginaires, des rêves et des poésies que nous ne pouvons pas rencontrer dans le monde réel. L'idée que le cinéma grand public et le cinéma d'auteur peuvent coexister ne me préoccupe pas particulièrement. Cependant, je pense que les films d'auteur qui plaisent au grand public peuvent offrir une structure qui enrichit le film, véhiculer une culture riche et emporter les spectateurs vers des horizons différents. Ils comportent beaucoup de strates profondes, qu’il faut savoir découvrir, que le spectateur peut approfondir. Je pense ‒ j’espère ‒ que mes films sont de cette nature.
Que souhaitez-vous que le spectateur retienne des thèmes principaux du film ?
Pour moi, il y a des moments dans les histoires de films, comme il y a des moments dans la vie. Ils forment un tout à part entière, il n'est pas forcément nécessaire qu'ils soient intégrés explicitement à l'intrigue. Cet instant peut être une image, un symbole, un élément narratif qui élargit une perspective. C'est pourquoi certains éléments dans mes films sont éphémères. En écrivant le scénario, je savais qu’ils « devaient être là ». Pourquoi ? Parfois, je ne le sais pas moi-même, mais c'est essentiel. Cela crée une image à part entière, cela ajoute une touche poétique au film.
Quels enjeux cette histoire aborde-t-elle dans la société actuelle ?
Cette histoire a été composée à partir de divers textes littéraires. Je questionne le monde dans lequel nous vivons, mais je ne me prononce pas. Chaque époque a son propre esprit, son propre mode de vie. Mais je suis enclin à penser que l'amour, l'affection, les relations homme-femme et l'amitié, se sont considérablement dégradés. Certes, il ne m'appartient pas de remettre ces choses en question. Je raconte simplement des moments où je pense que l'amour, l'affection, l'amitié et les relations de voisinage étaient très sains. Ainsi, dans le film, passé et présent peuvent s'entremêler.
Quelle place occupe le film Le Cri du Papillon dans votre parcours personnel ?
Ce film, mais aussi tous les romans et tous les films que j’ai tournés, sont au cœur de ma vie. Je ne peux pas dire que j’apprécie beaucoup la vie. Mais être sur un plateau de tournage, écrire un scénario, le découper, planifier le tournage, en rêver, écrire une séquence dans un roman, même écrire une phrase, me rend très heureux. Depuis mon enfance, je pense être un peu déconnecté du monde réel. Le monde de mes rêves est bien plus beau que celui-ci. Je le sais.
D’où tirez-vous le plus votre inspiration ? De la littérature, de la peinture, de la musique ou de la vie quotidienne ?
Accordons-nous d’abord sur le concept d'inspiration. L'inspiration au sens propre n'a aucune importance pour moi. Je pense que l'essence de tout est le travail. Travailler sans relâche, s'informer sur le monde, même sur des sujets divers dans des domaines qui vous sont étrangers… La construction de ce symbole qu’est devenue la Tour Eiffel, par exemple ; en Turquie, la Tour de Galata… Cette recherche prendra un jour une petite place dans l'univers fictif que je crée. Je suis quelqu'un de curieux, j’aime apprendre. Je peux passer du temps, des heures, à apprendre des choses qui feront rire et sourire les gens.
Quelles facettes du film Le Cri des Papillons souhaitez-vous voir se dévoiler au fil du temps ?
Les films d’auteurs de qualité doivent en général être visionnés une deuxième fois, si pas plus. Les films grand public sont dans un style textuel fermé, mais les films d'auteur vont au-delà. Quand je réalise mes propres films, je veux que le public participe pleinement au processus créatif. Je sais qu’ils comportent des défauts, mais c’est nécessaire, je veux que le public puisse les saisir. C'est vrai non seulement au cinéma, mais aussi en musique, en peinture, en photographie, en roman et en poésie… Le public doit combler lui-même ces lacunes, et je veux lui laisser cette chance. C'est pourquoi je parle de « cinéma romanesque ». Dans un roman, on peut revenir plusieurs fois en arrière pour trouver les clés du récit. De même, je pense qu'il faut voir deux ou trois fois un film pour le comprendre. C’est d’ailleurs après l'avoir vu trois fois que j'ai compris mon propre film.
Propos recueillis par Dr Gözde Kurt-Yılmaz