Le 75e anniversaire de l’Association Culturelle Turquie-France

L’Association Culturelle Turquie-France (ACTF) d’Istanbul, appelée en turc « Türk Fransiz Kültür Derneği » (TFKD), vient de célébrer un événement capital, son 75ème anniversaire. Dans une interview qu’il m’a gentiment accordée, Ayhan Köksal, président de l’ACTF depuis douze ans, m’a non seulement expliqué l’histoire de l’association mais aussi exposé ses perspectives d’avenir.

Par Gisèle Durero Köseoğlu
Publié en Janvier 2025

Fondée le 28 décembre 1949 par huit Français et vingt-quatre Turcs, l’ACTF avait pour but de renforcer les liens amicaux et culturels entre la Turquie et la France, en particulier par le biais de la langue française, et elle a compté des membres prestigieux, en particulier de nombreux professeurs d’université, d’anciens ministres et même le célèbre écrivain Ahmet Hamdi Tanpınar. Son premier président, Réchid Saffet Atabinen (1884.1965), premier diplômé turc du Lycée Saint-Joseph, qui avait effectué ses études supérieures à l’École Libre des Sciences Politiques de Paris, était un haut fonctionnaire et diplomate qui fut, en particulier, premier secrétaire des ambassades de Turquie à Bucarest, Washington, Téhéran, Madrid, puis, en 1923, secrétaire général de la délégation turque lors de la Conférence de la paix de Lausanne. Il fit aussi partie, en 1923, des fondateurs du Touring Club de Turquie puis Président du Comité Olympique. Mais il était aussi un écrivain connu pour avoir traduit en français le « Nutuk » d’Atatürk, son fameux discours de 1927 résumant l’histoire de la Guerre d’Indépendance jusqu’à la proclamation de la république. Auteur de nombreux livres et articles en français et en turc sur l’histoire et les relations diplomatiques, humaniste, officier de la Légion d’honneur, lauréat du Grand prix de la Langue française en 1935, Réchid Saffet Atabinen a donc joué un rôle essentiel pour renforcer les liens entre la Turquie et l’Europe de l’Ouest, et en particulier, la France.

L’Association Culturelle Turquie-France s’est toujours donné pour vocation de perpétuer l’œuvre de ses premiers adhérents. Depuis douze ans, Ayhan Köksal, le président actuel, n’a pas ménagé ses efforts, secondé pendant toute cette période par la secrétaire Beki Baruh, à laquelle il tient à exprimer sa gratitude pour son dévouement. Né à Istanbul en 1941, diplômé du lycée francophone Saint-Benoît et du département de Philologie française de l’Université d’Istanbul, cet ancien professeur de français a exercé le métier d’homme d’affaires durant 33 ans, en reprenant l’entreprise familiale d’installation de cuisines industrielles. Il a ensuite consacré l’essentiel de son temps à faire vivre l’association. En quoi consiste son travail, intense, de président ? Durant des années, il a cumulé de multiples fonctions, que ce soit pour organiser des activités en trouvant les sujets et les lieux, servir de trésorier, rechercher des appuis financiers et assurer les relations sociales de l’ACTF, dont il est membre depuis 1979. Il a toujours été animé par le même objectif : « Le but de l’association est de promouvoir les rapports culturels entre la Turquie et la France, qui remontent au seizième siècle. En jetant un pont entre les deux pays, notre fondateur a montré son attachement à la culture et à la tradition humaniste de la France. Il avait conscience qu’en dépit des vicissitudes de l’histoire, écrivains et philosophes apportent leur pierre au patrimoine commun et contribuent à l’évolution des esprits. Et c’est également notre but de promouvoir la langue française, renforçant ainsi les liens entre les intellectuels turcs et français, en nous interdisant toute activité de nature politique ou religieuse, mais en nous consacrant uniquement au rayonnement de la culture… »

Où en est l’ACTF aujourd’hui ? Elle comporte 84 membres et un conseil d’administration qui se réunit régulièrement et prend ses décisions en français ; son siège se situe dans la salle Albert Gabriel de l’Institut Français d’Études Anatoliennes. L’ACTF organise des manifestations culturelles auxquelles participent des Turcs et des Français, réunions, conférences, concerts, expositions et petits voyages. Dans ses récentes activités, on note la conférence de l’ambassadeur émérite Uluç Özülker pour le centenaire de la république turque ; ou de Bruno Delvallée, ancien attaché de coopération éducative, sur l’historique de la francophonie ; ou l’intervention de l’historien et auteur Rinaldo Marmara, sur l’histoire de la communauté levantine de Turquie. Ainsi qu’une visite du musée de l’Écrivain Sait Faik Abasıyanık à l’île de Burgaz et un voyage dans la région d’Urfa pour visiter le site préhistorique de Göbeklitepe. Et le 75ème anniversaire a été célébré le 13 octobre par une fête à Sarıyer. Le programme de 2025 s’annonce riche, avec un atelier de marbrure, la participation au Printemps des Artistes, des conférences sur les sites archéologiques de Turquie, l’histoire du café turc ou les voyages de l’Orient-Express, des concerts, des voyages à Edirne, Bursa, Izmir et Mardin, pour ne citer que quelques exemples. Cependant, comme l’explique Ayhan Köksal, bien que les projets pour l’avenir abondent, l’association manque de financements pour avancer sur de nouvelles voies et acquérir une vitalité nouvelle. Elle manque aussi de jeunes membres qui pourraient accroître sa visibilité sur les réseaux sociaux. Elle joue pourtant un rôle irremplaçable dans les relations amicales et culturelles entre la Turquie et la France et dans la permanence de la langue française en Turquie. « J’espère de tout cœur que cette association culturelle franco-turque historique continuera à servir de pont entre nos deux pays. Je lui souhaite de ne jamais interrompre ses activités, de renforcer son travail et de célébrer un jour son centenaire. » Tel est le vœu que formule Ayhan Köksal pour l’avenir…