Les Lettres d’Istanbul de Christine Duquenne, un recueil d'illustrations humoristiques sur Istanbul (Un article de Gabrielle Mahias)

L'autrice et illustratrice belge Christine Duquenne s'inscrit dans la tradition nationale en publiant son premier ouvrage, Lettres d’Istanbul, un livre d’illustrations sur la cité millénaire, aux éditions Bizim Avrupa.

Par Aujourd'hui la Turquie
Publié en Octobre 2024

Christine Duquenne s’est expatriée à Istanbul en 2007, après avoir étudié la littérature et le dessin et enseigné le français à Bruxelles. Pendant plusieurs années, elle avait vaguement l’idée d’écrire un livre, mais ce projet ne s’est bâti que très progressivement.

En 2017, plutôt que d’adresser à sa famille en Belgique des messages classiques avec quelques photos familiales, elle décide de leur envoyer des lettres dessinées pour leur donner de ses nouvelles dans une Turquie en mutation. Utilisant le marqueur et le pastel, elle crée donc des images humoristiques inspirées des réflexions et du regard de ses enfants belgo-turcs observant le monde et la vie qui les entourent. 

Ces derniers sont pour Christine Duquenne une source d’inspiration riche et continuelle, parce qu’en grandissant, leurs pensées évoluent mais la surprennent toujours. Les premiers dessins concernent par exemple les réactions de sa fille lorsqu'elle était enceinte de son fils. C'est comme ça qu'est née véritablement La Saga d'Arzur et de Zora, les héros de ses chroniques familiales.

Mais c'est au fil des rencontres et des opportunités que le projet prend forme. Durant sept ans, elle jongle entre ses cours de français et son travail de graphiste au lycée Notre-Dame de Sion d'Istanbul. En 2018, alors qu'elle reprend exclusivement un poste d'enseignante, elle décide de consacrer un peu de temps libre à ses projets personnels. Au fil des ans, elle met à jour son blog et retravaille la mise en page de ses images et de ses textes en utilisant ses compétences en infographie. Elle poursuit d'ailleurs les expériences graphiques, notamment par l’illustration et la mise en page de livres pour enfants.

En octobre 2022, elle participe au défi « İnktober » proposé sur les réseaux sociaux, produisant des dizaines de dessins à l'encre et à l'aquarelle sur le thème d'Istanbul. Suivant les conseils d'une amie, elle propose ses illustrations afin de participer au Printemps des Artistes du lycée français Sainte-Pulchérie à Beyoğlu. Elle y présente ses œuvres au public, et aussi la culture de la bande dessinée. Elle y rencontre alors le Consul général de Belgique, Tim Van Anderlecht, qui lui suggère d’écrire un livre. C’est le déclic : si ce livre n’est pas écrit maintenant, il ne le sera jamais, d’autant que cette demande est presque une mission d’intérêt national !

Elle commence donc à rassembler et organiser les lettres et les dessins créés au fil des ans, en prenant en compte les conseils de son entourage. Elle reprend les illustrations de l'İnktober et développe la Saga initiée depuis des années : deux enfants qui découvrent le monde, les relations familiales, la Turquie, Istanbul… Chaque scène est inspirée de la réalité et replacée dans un contexte plus pertinent pour illuminer les trésors de la ville. 

La lettre est écrite comme un acrostiche : elle est structurée en huit parties, et chaque partie se définit par un mot dont l'initiale est une lettre du mot « Istanbul », justifiant ainsi le titre de l'ouvrage, Lettres d'Istanbul. Mais le titre du livre renvoie aussi aux lettres que l'autrice envoie à sa famille en guise de nouvelles. L’ouvrage est monté au format italien (paysage), afin de proposer en regard des illustrations et des textes toutes les traductions en turc et en anglais (selon l’idée de Tim Van Anderlecht).

La société complexe de la Turquie est donc évoquée dans ce livre d’illustrations de façon subtile par l’humour, souvent venu de l’innocence des enfants. À l'origine, ce regard neuf et ingénu avait permis à l’autrice de parler de l’actualité de la Turquie à ses proches avec légèreté, non pas pour minimiser les évènements socio-politiques préoccupants ou oppressants, mais au contraire pour tenir bon. Comme elle le résume en parlant des problématiques politiques : « Je ne voulais pas que ce soit ça, nos échanges. »

Ainsi, une très large majorité des anecdotes trouvent leur origine dans le monde réel, dans la communication de l’autrice avec sa famille, mais la recontextualisation et le travail d’écriture permettent de s’approprier les histoires et de profiter du voyage littéraire stambouliote. Aussi, bien que l’histoire soit inspirée d’enfants, elle ne s’adresse pas à un lectorat jeunesse. Le public adulte et adolescent sera le seul à comprendre toutes les subtilités de l’humour belge entre politique, religion ou histoire millénaire de la ville, le tout dans un esprit « mi-logique, mi-imaginaire », pour reprendre Christine Duquenne.

Pour se procurer les Lettres d’Istanbul, il faut passer commande directement auprès de l’autrice Christine Duquenne. Il y a quelques exemplaires en vente à la librairie Pandora à Nişantaşı et à la librairie Robinson Crusoe 389 près du Tünel à Beyoğlu.