Artiste moderne turque, Şevval Başalan vient d’exposer au Salon Rumeli du Palais des Congrès et des Expositions Lütfi Kırdar à Istanbul, où elle a mis en avant deux de ses peintures : Le Paradis et L’Enfer. Elle présente désormais à Piramid Sanat, jusqu’au 8 août, un large ensemble de ses œuvres dans une exposition intitulée Ziyafet (Festin), explorant les thèmes du paradis et de l’enfer
C’est dans le cadre de la foire d’art CI Bloom de Contemporary Istanbul que Şevval Başalan a présenté au public deux œuvres intimement liées, Le Paradis et L’Enfer. Du 25 au 28 avril 2024, de nombreux artistes turcs s’étaient en effet réunis au Salon Rumeli à Şişli pour présenter leur travail d’art visuel moderne, majoritairement des peintures mais également des créations en trois dimensions. Au milieu d’une quantité d'œuvres stupéfiante, les productions des artistes allaient de la nature morte aux paysages, en passant par de l’abstrait presque indéfinissable. Ce que l’on retient ? La couleur et la diversité. Dans tous les coins du hall de l’exposition, les teintes explosives attiraient le regard du passant, qui devait s’arrêter pour en savourer toutes les subtilités. Qu’elles soient spirituelles, terrifiantes, réconfortantes ou poignantes, les œuvres présentées invitaient toutes à la réflexion et à l’analyse. L’évènement a d’ailleurs attiré une foule impressionnante.
Dans ce milieu artistique intense, Şevval Başalan a exposé deux tableaux ronds aussi opposés que jumeaux. Le premier tableau, L’Enfer, noie et fait mijoter la femme dans les flammes de l’enfer. À ses pieds, le serpent de la tentation, responsable de la dégustation du fruit défendu, glisse presque fièrement, tandis que le chaos de la scène respire l’inconfort et la douleur. La toile est un bain de feu et de sang. La femme a ses règles, lesquelles se mêlent aux flammes. Derrière elle, un visage évoquant Le Cri d’Edvard Munch accentue le caractère oppressant de l'œuvre. Les plumes déchirées, froissées, témoignent sans doute de ce qui a été fait à la vie et à la volupté : elles ont été détruites au point qu’elles sortent même du cadre. Le rouge marquant de la peinture plonge le regard dans un champ de bataille infernal dont on ne peut s’échapper.
À l’inverse, le tableau paradisiaque est plein de vitalité et de légèreté, tout aussi évocateur mais beaucoup plus structuré : on y distingue des endroits où s’arrêter, à la différence du chaos de l’enfer. Les couleurs fraîches associées à la nature, comme le vert et le bleu, peuvent rappeler des souvenirs d’enfance heureux, ce qui est amplifié par le doux regard de l’ange. Mais la toile n’a rien d’enfantin. La femme, toujours personnage principal, ouvre sa fleur intime de façon grandiose pour devenir source de vie, d’eau en abondance. C’est l’antinomie du sang des règles de l’enfer. Ses seins sont rebondis et de l’un deux jaillit un petit cœur. Une figurine de grenouille, en bas, intègre la toile en référence à d’autres productions de l’artiste dans la nature, et des ailes d’ange intactes sortent aussi du cadre, preuve de la vitalité débordante qui se dégage de l’œuvre. L’ange tient aussi dans ses mains la pomme, fruit défendu, en miroir avec le serpent de l’autre tableau.
L’artiste souligne en effet que les deux toiles doivent être vues de pair, puisqu’on ne peut comprendre l’enfer sans comprendre le paradis. Et nous ne pouvons que conseiller d’aller voir l’exposition complète à Piramid Sanat qui, dans un parcours articulé sur Ève et Lilith, nous permet de contempler davantage d'œuvres traitant de ces thèmes. Au-delà du thème général de l’exposition, les œuvres se répondent souvent directement dans les points de vue, les techniques ou encore les matériaux utilisés. Des panneaux explicatifs détaillent la démarche et le sens que Şevval Başalan a voulu donner à son travail. On comprend là pourquoi l’artiste représente peu Adam par rapport à Ève, et la présence de représentations féminines en autoportraits par exemple.
En fait, l’inspiration de Şevval Başalan émane de ses expériences passées, en montagnes russes. Car l’artiste plasticienne a décidé d’axer ses créations sur l’enfer et le paradis après les avoir vécus sous diverses formes et situations dans notre monde présent : en bien dans les moments les plus jouissifs de l’existence humaine, en mal dans les événements les plus pénibles qu’on peine à se représenter. Le style est toujours d’une intensité impressionnante, à tel point qu’un public sensible peut être heurté en découvrant les œuvres.
Mais pour en apprendre davantage sur le style de Şevval Başalan, sur elle-même, et pour observer ses peintures riches en détails et en réflexion, c’est à Piramid Sanat à Taksim qu’il faut se rendre jusqu’au 8 août 2024, pour son exposition intitulée « Ziyafet », « Festin ».