Un trompettiste français à l’opéra de Samsun (Un article de Gabrielle Mahias)

Michel Jacquot est un expatrié français fraîchement arrivé en Turquie. Il nous raconte son parcours musical de Chalon-sur-Saône en Bourgogne à Samsun sur les bords de la mer Noire.

Par Aujourd'hui la Turquie
Publié en Octobre 2024

Michel Jacquot, 31 ans, vient de Bourgogne. Après avoir étudié le solfège et les percussions en école de musique dès l’âge de sept ou huit ans, il a poursuivi sa formation au conservatoire et a choisi la trompette, puis est parti en région parisienne pour se perfectionner.  Bien ancré dans le paysage musical et ayant obtenu le bagage technique et les connaissances nécessaires, il part ensuite à Bordeaux pendant trois années étudier au Pôle d'enseignement supérieur de la musique et de la danse (PESMD) de la ville, où il obtient un diplôme d’État de professeur, une licence de musicologie et un équivalent de licence pour les musiciens. Il se fait connaître dans le milieu avec ses compositions et ensembles de cuivres, surtout en quintet. Parallèlement, il fréquente l’armée de l’air, de façon à varier ses expériences, et enfin enseigne à Agen.

Michel Jacquot est ainsi passé d’élève à professeur et musicien professionnel. Rien encore ne le prédestinait à aller à Samsun, ou même à travailler en Turquie. Une simple visite touristique d’Istanbul en 2020 a tout changé. Il est enchanté par la culture et l’histoire du pays. En novembre 2023, l’État turc débute un processus de recrutement pour l’orchestre de l’opéra de Samsun, recrutement ouvert aux étrangers et dont il apprend l'existence par son réseau et des connaissances turques en France. Il ne lui en faut pas plus pour postuler, et passer les exercices de sélection. Après un concerto de Haydn, des traits d’orchestre très connus comme Casse-Noisette et Carmen, un déchiffrage, puis un entretien, le voilà embarqué dans une nouvelle vie.

Quelques plus tard, en janvier, il part s’installer à Samsun, qu’il ne connaissait aucunement, avec son épouse turque originaire d’Istanbul mais rencontrée à Paris, trompettiste elle aussi. Celui qui a particulièrement « envie d’être actif » s’épanouit dans un environnement totalement nouveau, et très international : une part importante des soixante-dix musiciens de l’orchestre a étudié la musique en Europe de l’Ouest, et les chefs d’orchestre sont aussi parfois étrangers. D’ailleurs, il y a actuellement deux chefs ; l’un d’eux est italien au passeport britannique : Patrick David Murray ; le second chef, Kıvanç Tepe. est turc.

L’orchestre de Samsun assume un rythme plutôt soutenu de deux à trois concerts par semaine, dans des compositions très variées. La force d’un orchestre d’opéra est précisément de pouvoir jouer de l’opérette, des symphonies, du ballet (le cœur même de l’orchestre de Samsun !) et naturellement de l’opéra. Au moment de notre interview, l’orchestre travaillait sur une création d’opéra : Şahmeran, de Bujor Hoinic, grand musicien roumain. L’orchestre préparait également L’Enlèvement au sérail de Mozart, qu’il a joué à Bursa et près de Samsun au mois de juin. Bref, un agenda bien rempli. Ce qui a d’ailleurs marqué Michel Jacquot en arrivant en Turquie, c’est l’absence de week-end. Pour un musicien passionné par son travail, ce n’est pas tant un problème. Mais cela empêche quand même de visiter le pays, ou simplement de se reposer pendant une ou deux semaines.

Aujourd’hui, Michel Jacquot, le jeune expatrié, adore ce qu’il fait. Incapable de dire où il sera demain parce qu’il prend les opportunités comme elles viennent, il est aujourd’hui trompettiste dans un bel orchestre, ce dont il avait toujours rêvé. L’intégration, dit-il, s’est faite en toute sérénité, l’accueil a été très chaleureux. Il a dû renoncer à son activité de professeur parce qu’en Turquie, il est interdit aux musiciens dans un orchestre d’État d’enseigner. Et celui qui vit en pensant « je prends ce qui vient » n’hésitera pas à changer de voie professionnelle pour varier ses expériences et rester vif. Un aventurier, finalement !