24 juillet 1923 : il y a 100 ans, le Traité de Lausanne

1923-2023. La Turquie moderne aura donc 100 ans dans quelques mois. C’est paradoxalement de l’issue de la guerre de 14/18, « la Grande Guerre » comme on disait à l’époque, alors que le démantèlement de l’Empire Ottoman comme celui des autres empires centraux était à l’ordre du jour, que devait surgir de ces recompositions territoriales la République de Turquie que nous connaissons toujours un siècle plus tard.

Par Dr. Olivier Buirette
Publié en Janvier 2023

24 juillet 1923 : il y a 100 ans, le Traité de Lausanne

1923-2023. La Turquie moderne aura donc 100 ans dans quelques mois. C’est paradoxalement de l’issue de la guerre de 14/18, « la Grande Guerre » comme on disait à l’époque, alors que le démantèlement de l’Empire Ottoman comme celui des autres empires centraux était à l’ordre du jour, que devait surgir de ces recompositions territoriales la République de Turquie que nous connaissons toujours un siècle plus tard.

Si le Traité de Sèvres signé le 10 aout 1920 mettait un terme à l’Empire Ottoman né avec la prise de Constantinople en 1453 ‒ soit 467 ans d’histoire, presque un demi millénaire ‒, celui de Lausanne signé trois ans plus tard consacrait une nouvelle entité : la République de Turquie.

C’est au palais de Rumine, à Lausanne, que le texte fut adopté le 24 juillet 1923.

Le Traité de Sèvres n’allait pas être appliqué, certes, mais le démantèlement de l’Empire était dans les faits, et cela devait être finalement une victoire du fondateur de la République de Turquie de ne pas avoir en quelque sorte à devenir un État successeur de l’Empire Ottoman. Ce qui ne fut pas le cas, comme on le sait, de la République de Weimar, État successeur vaincu du second Reich allemand, ou encore de l’Autriche et la Hongrie, successeurs de l’Empire habsbourgeois Austro-Hongrois dissous.

Le Traité de Sèvres avait été accepté par le dernier Sultan Mehmed VI, mais ne fut ratifié que par la Grèce. Le démantèlement de l’Empire était entériné, cependant il fallait un Traité consacrant le nouvel État en formation ; et dès l’automne 1920, le Président du Conseil français, Georges Leygues, devait déclarer que la France ne ratifierait pas de traité défavorable au nouvel État turc. Nous avions donc bien l’idée de la conception d’un nouveau traité pour le nouvel État en gestation qui prendrait la suite de l’Empire Ottoman.

On pouvait sans conteste voir là une garantie de stabilité, le Traité de Lausanne comportant notamment les clauses suivantes :

- En premier lieu, la reconnaissance de la légitimité du nouveau régime installé par Mustapha Kemal à Ankara, et la reconnaissance de sa souveraineté sur l’ensemble de l’Anatolie et de la Thrace occidentale.

- En échange de la légitimité du nouvel État, Ankara devait entériner les pertes territoriales de l’ancien Empire : Chypre (perdue de fait en 1878) le Dodécanèse (en 1911), la Syrie, la Palestine, la Jordanie, l’Irak et l’Arabie (en 1918).

- En conséquence, d’autres clauses portaient sur un certain nombre d’échanges de populations visant à rendre plus homogènes les nouvelles frontières de la Turquie moderne.

- La zone démilitarisée autour des détroits des Dardanelles et du Bosphore telle que convenue à Sèvres était maintenue : les Détroits restant ouverts, sans restriction ni contrôle turc, au passage aérien et à la navigation maritime internationale. En échange donc de l’internationalisation des Détroits, le contrôle des Alliés sur les finances et les forces armées turques était aboli.

Enfin, la question des éventuelles autonomies kurdes et arméniennes prévues dans le Traité de Sèvres était mise de côté, ce qui, comme on le sait, a encore des conséquences de nos jours.

Une nouvelle carte du Proche Orient était ainsi officialisée. On sait aujourd’hui qu’elle était la résultante d’une entente préalable entre les Alliés dans le cadre des accords Sykes-Picot de 1916.

On retiendra donc que les Occidentaux ont souhaité témoigner d’une confiance de base dans la naissance du nouvel État turc, laissant à un Traité de Sèvres certes mort-né le « dépeçage » du vieil Empire ottoman, mais dont le Traité de Lausanne reconnaissait la dissolution en échange de la naissance de la Turquie de Mustapha Kemal.

Il n’en demeure pas moins qu’il est coutume de dire que l’instabilité du Proche Orient actuel aura été due au fait que les Occidentaux ont, avec ces deux derniers Traités, touché à d’anciens équilibres dont les conséquences sont toujours bien tangibles.

Un siècle après sa naissance, la Turquie actuelle aura sans doute tout son rôle à jouer dans la stabilisation de l’ancien espace régional de l’Empire disparu.

Dr Olivier Buirette