İrem Uṣar : « Mes professeurs de littérature française à Notre-Dame de Sion ont éveillé ma curiosité »

Auteure à succès de romans pour la jeunesse, İrem Uşar revient pour nous sur sa carrière d’écrivaine et ce que l’écriture lui a apporté, mais aussi sur les sources d’inspirations pour ses romans.

Par Dr. Mireille Sadège
Publié en Avril 2024

« Je continue de regarder le vent, les escargots, la mer et les arbres avec curiosité, comme s'il s'agissait de choses que je voyais pour la première fois, et j'explique avec enthousiasme ce que je vois. »

Rencontre.

Qui est İrem Uşar ? Pouvez-vous nous parler de vous ?

J'ai grandi à Istanbul en tant que cadette de trois sœurs. Enfant, je rêvais de devenir vétérinaire, puis j’ai découvert les ponts que l’écriture peut construire. J'ai beaucoup lu et beaucoup écrit. J'avais entendu un dicton : « Une personne est sa propre enfance ». J'ai poursuivi cette phrase dans mon premier livre pour enfants. J'ai suivi les traces de la famille dans laquelle je suis née, qui a pétri ma pâte, et c'est ainsi qu'est né mon premier livre pour enfants, Kuuzu et la famille des parcs d'attractions. Ensuite, j'ai continué à écrire davantage d'histoires et de romans sur la nature claire et curieuse de l'enfance qui ne s'est pas encore habituée à la vie. En plus d'écrire, qui est un effort entièrement mental, je pratique le Tai Chi et le Qi Gong depuis 2002, ce qui me permet de me sentir entière avec mon esprit et mon corps.

Quand et comment l'écriture est-elle entrée dans votre vie ?

J'étais cet enfant « sensible » qui a grandi dans une famille nombreuse mais qui se sentait seul dans une communication profonde. Quand j'avais 9 ou 10 ans, j'ai commencé à tenir un journal de mes pensées et de mes sentiments que personne n'avait le temps d'écouter dans le tourbillon de la vie. Mon voyage vers mon essence a commencé à cet âge où l’écriture m’a ouvert un canal.
Ainsi, j'ai découvert un coffre fermé en moi. Au fil du temps, à mesure que j'écrivais et me nourrissais de lecture de bons auteurs, mes propres histoires et romans ont commencé à émerger de ce coffre. Je dis toujours que mes professeurs de littérature française à Notre-Dame de Sion ont éveillé ma curiosité. Quel enfant ne serait pas fasciné par le fait que son professeur monte sur les rangs et joue la scène où Jean Valjean soulève sur son dos la calèche renversée !

Vous ne pouvez nourrir le noyau de créativité qui sommeille en vous qu'avec la curiosité, et un jour, ce noyau connaîtra le « big bang ». C'est alors que naît un tout nouvel univers. Cet univers pourrait être une histoire que vous avez écrite, une chanson que vous avez composée ou un outil que vous avez inventé.

Quelles sont les sources d'inspiration pour vos romans ?

En tant qu'écrivain de romans fantastiques pour enfants, je puise mon inspiration dans la vie quotidienne, les événements sociaux et la nature. Je sens que les choses ordinaires que nous voyons tous les jours, comme le soleil, la lune, le vent, les arbres et les escargots, ont des histoires extraordinaires, et je les écoute.

Même si un roman fantastique décrit un pays inexistant ou un événement imaginaire vécu par des personnages imaginaires, ses racines sont dans le présent. Par exemple, Lataşiba est un roman inspiré de la lune et du soleil qui apparaissent chaque jour dans le ciel. Il raconte le combat des jeunes de deux villes séparées par un haut mur, pour s'unir. Eksik Dünya Baltı raconte l'histoire de jeunes qui tentent de vaincre un leader qui a condamné son peuple à vivre sous terre pendant 300 ans, et d’atteindre la lumière et le ciel. AşrıOrman, quant à lui, se déroule dans un pays sans arbres qui instille la peur de la forêt dans le cœur des jeunes, afin qu'ils ne soient pas inspirés par ces forêts où des centaines d'espèces vivent ensemble en harmonie. « Alors pourquoi ? », « Alors, que va-t-il se passer ? » Ces questions troublent nos esprits. La fantasy est un type de littérature qui libère ses lecteurs des « absolus » et des dogmes.

Comment se passe une journée de l'écrivaine İrem Uşar ?

Je fais une longue promenade avec mon chien tôt le matin. Je regarde beaucoup le ciel en marchant, cela me rappelle l'éternité et l'espoir. Une fois rentrée chez moi, je me mets à l'écriture qui peut commencer par exemple par la lecture d’un livre et la découverte de son concept qui me permettra de découvrir une nouvelle philosophie, un auteur, ou de poser une nouvelle question.

Ainsi, les portes de mon esprit s'ouvrent et je me concentre sur le fichier sur lequel je travaille et que j'écris. J'aime être isolée et tranquille quand j'écris. Je pratique le Tai Chi pendant la journée. Le taoïsme est une philosophie qui peut être vécue à travers le mouvement physique. Le Tai Chi m'offre un lieu de tranquillité qui nourrit mon esprit et mon corps et me permet de me sentir complète et équilibrée. Grâce au Tai Chi, l'énergie collectée au niveau de la tête lors de l'écriture rejoint la circulation du corps.

La Turquie célèbre le centenaire de sa République. Que signifie pour vous cet anniversaire ?

Comme je l'ai écrit dans mon dernier livre, AşrıOrman, lorsqu'un arbre atteint l'âge de 100 ans, il vient tout juste d'atteindre l'âge adulte. C’est ainsi que je vois notre République, et je crois qu’elle a encore un long chemin à parcourir. Accepter ses enfants dans leur diversité et soutenir leurs talents… Je rêve d’une Turquie construite par des jeunes qui se nourrissent de la liberté de s'interroger, et non du dogme.