Quel avenir pour Notre-Dame de Paris, l’un des monuments les plus emblématiques de Paris, de France et d’Europe ?

Commencée sous l’impulsion de l’évêque Maurice de Sully, sa construction s’étend sur près de trois siècles, de 1163 jusqu’au milieu du XIVe siècle.​​

Par Ebru Fesli
Publié en Août 2021

Après la Révolution française, la cathédrale bénéficie entre 1845 et 1867 d’une importante restauration, parfois controversée, sous la direction des architectes Jean-Baptiste- Antoine Lassus et Eugène Viollet-le-Duc, qui y incorporent des éléments et des motifs inédits. La cathédrale possède des caractères du gothique primitif et du gothique rayonnant. Les deux rosaces qui ornent chacun des bras du transept sont parmi les plus grandes d’Europe.

Elle est liée à de nombreux épisodes de l’Histoire de France. Unissant intime- ment l’Église et la monarchie, elle ac- cueille l’arrivée de la Sainte Couronne en 12391, puis le sacre de Napoléon Ier en 1804, le baptême d’Henri d’Artois, duc de Bordeaux, en 1821, le mariage de Napoléon III en 1853, ainsi que les funérailles de plusieurs présidents de la Ré- publique française (Adolphe Thiers, Sadi Carnot, Paul Doumer, Charles de Gaulle, Georges Pompidou, François Mitterrand).

Le violent incendie du 15 avril 2019 a détruit la flèche et la totalité de la toiture couvrant la nef, le chœur et le transept. Il s’agit du plus important sinistre subi par la cathédrale depuis sa construction. Notre-Dame est, depuis cette date, fermée au public pour une durée indéterminée. Sa reconstruction à l’identique est décidée en 2020 par le président Emmanuel Macron, qui a promis sa réouverture au public pour 2024.

Deux ans après l’incendie ravageur de Notre-Dame de Paris, j’ai interrogé mon éminent professeur Monsieur Jean-Michel LENIAUD, historien de l’art spécialiste du patrimoine. Le sujet, ô combien complexe et qui intéresse le monde entier, sur lequel il nous apporte ses lumières en tant qu’expert, traite de la restauration de cet édifice magistral.

Pourquoi l’énigme de l’origine de l’incendie de la cathédrale de Notre-Dame reste-t-elle encore à résoudre ? L’incendie de Notre-Dame remonte à deux ans. Les causes, déjà lointaines, sont probablement multiples. L’enquête a été longue, il est probable que, plus le temps passera, plus il sera difficile de déboucher sur des conclusions claires. Quels sont les enjeux liés à la restau- ration et quelles priorités sont mises en avant ?

Dès le départ, une polémique a surgi entre les partisans du changement et les partisans de la conservation. Fallait- il conserver la silhouette de la cathédrale que le monde connaît depuis huit siècles ? La réponse a été oui.

Quel est l’équilibre à trouver entre la restauration à l’identique et les nouvelles mesures de sécurité afin d’éviter une nouvelle catastrophe ?

La restitution à l’identique de la char- pente et de la couverture de la cathédrale a été décidée. Les causes de l’incendie résident probablement dans un dysfonctionnement des circuits électriques. Il a été admis qu’il n’y aurait plus de circuit électrique dans les combles.

Comment expliquez-vous la polémique de la restauration d’Eugène Viollet-le- Duc (1863) et de ses libres interprétations ? Pourquoi refuser la modernité ?

La modernité n’avait aucune solution à apporter : la solution « charpente métallique » est vieille de deux siècles, la solution « charpente béton » l’est d‘un siècle. L’usage du verre était impossible, seule la solution bois apporte un renouvellement.

Disposons-nous au sein de notre territoire français, de compagnons du de- voir (maître) et d’architectes capables de reconstruire à l’identique ? Nos forêts pourraient-elles en supporter le poids et nous en assurer le coût ?

Si l’on compte un chêne utilisable à l’hectare, il ne faudrait pas plus de 1500 hectares de forêt. La forêt française compte des centaines de milliers d’hectares : c’est-à-dire que celle-ci est parfaitement à la hauteur de la situation. Quant au personnel spécialiste de la charpente, il est extrêmement nombreux en France.

 Cette malheureuse catastrophe a-t-elle pu mettre en lumière de nouvelles dé- couvertes sur les anciennes techniques de construction ou bien d’autres mystères inconnus jusqu’alors ?

Les scientifiques connaissaient déjà beaucoup d’éléments sur les techniques et les matériaux de construction de la cathédrale. On attend du CNRS, qui a été chargé des investigations nouvelles, qu’il nous apporte des éléments nouveaux.

Si vous deviez vous mettre dans la peau de Viollet-le-Duc, quelle stratégie ou processus auriez-vous entrepris ?

Il me semble que l’urgence aurait été de définir ce que l’on appelle des tranches fonctionnelles, c’est-à-dire des zones de l’édifice à restaurer les unes après les autres, de façon à le rendre utilisable le plus tôt possible.

Ont-ils fait appel à vous pour avoir votre avis ? Vous êtes-vous déplacé sur le chantier ? Si oui, que leur avez- vous conseillé ?

J’ai été nommé au sein du conseil scientifique de l’établissement chargé de restaurer la cathédrale. C’est dans ce cadre que je donne des avis. J’ai notamment conseillé de sauvegarder les traces du XVIIIe siècle et de restaurer l’édifice par tranches verticales.

L’idée d’organiser un concours d’architecture serait-elle la bienvenue, voire conseillée ?

En France, il n’est pas d’usage de pro- céder à un concours lorsqu’il s’agit de restaurer un monument historique. Trois architectes spécialistes se sont associés pour la restauration : Philippe Villeneuve, Patrick Prunet et Remi Fromont. Ils ont été recrutés sur des critères complexes, c’est une excellente solution.

Le Président Emmanuel Macron prévoit une fin des travaux pour 2024. Cette estimation vous semble-t-elle correspondre à l’envergure de la tâche ?

Il est parfaitement possible d’ouvrir la cathédrale au culte en 2024. C’est le pro- jet du général Jean-Louis Georgelin qui préside le chantier de restauration.

Nous savons que, depuis l’incendie, les différentes fondations ont collecté des dons de plus de 900 millions d’euros. Sont-ils suffisants à vos yeux ?

L’avenir le dira.

À votre avis, retrouvera-t-elle sa splendeur d’origine ?

Il faut l’espérer, on peut même souhaiter qu’elle soit encore plus belle.

Les monuments historiques de France sont-ils suffisamment protégé ou partiellement en danger ?

Les monuments historiques sont tou- jours en danger, en France comme ail- leurs, on n’est jamais assez vigilant. D’après vous, quelle tendance pré- domine chez l’Homme : la notion de construire ou de détruire ce qu’il a eu tant de mal à mettre en place

Le progrès de l’humanité résulte d’un conflit permanent entre les forces de conservation et les projets de renouvellement.

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1- Entre les VIIe et Xe siècles, ces reliques sont progressivement transférées à Constantinople (Istanbul). En 1238, l’empereur latin de Byzance (Baudouin), en grande difficulté financière, propose au roi de France Louis IX,