Ali Zülfikar : l’art de figer le temps

J’ai rencontré le peintre Ali Zülfikar Doğan dans la ville d’Ulft aux Pays-Bas, lors d’une visite dans le cadre du projet de la 23ème édition du Huntenkunst International Art. Sur 1200 artistes, seuls 200 ont été sélectionnés, dont Ali Zülfikar.

Par Ebru Fesli
Publié en Août 2023

Ses débuts ont été marqués par le développement d’un art coloré ; « la technique de garance » en utilisant un colorant végétal en poudre mélangé à d’autres composants pour représenter un tissu épais formant des fissures au niveau de la toile et changeant de couleur avec le temps. Mais, depuis deux ans, il présente sa propre « technique de crayon sur toile ». A travers ses œuvres, il dépeint les différentes étapes de la vie humaine. Nous observons que l’ensemble de son travail est consacré à l’expérience de l’existence. Souhaite-t-il pousser notre réflexion afin que nous réalisions que chaque être humain fera l’expérience de la vieillesse et de la mort ? Ou bien souhaite-t-il nous rap- peler, comme décrit dans la Bible dans le livre de la Genèse paragraphe 3 verset 19, que « nous sommes poussière et que nous redeviendrons poussière » ? Ses œuvres sont une sorte d’avertissement qu’il nous adresse afin de nous exhorter à bousculer notre inconscient et à comprendre enfin que la vie, c’est un fait, est très courte, et que nous devons, sans perdre un seul instant, connaître la joie de l’amour et la force du pardon, mais aussi apprendre à rendre grâce, donner sans compter, recevoir et exprimer notre gratitude. N’avons-nous pas là le secret du bonheur véritable et la clef qui ouvre la porte de la paix intérieure ? Les principales œuvres de l’artiste fascinent par ces expressions faciales exacerbées, ces figures de personnes âgées exagérément vieillies et perdues dans leurs pensées, ces portraits de femmes surprises, angoissées, se tressant les cheveux ou encore riant aux éclats.

Tant l’amateur d’art expérimenté que le simple curieux ne peuvent s’empêcher de s’interroger sur le pourquoi de ces figures étranges, presque dérangeantes. L’expression accablée et mélancolique se lit sur leur visage. Ces portraits sont si parlants que l’on peut presque y deviner les pensées et y ressentir les émotions. Dans l’un d’eux, l’artiste s’est inspiré de sa grand-mère fredonnant une chanson traditionnelle émouvante (chants de lamentation ou encore des mélodies libres arythmiques) venant du fond de son cœur pour apaiser la douleur causée par l’absence des êtres qui lui sont chers. Quand on observe ces œuvres de plus près, notre regard est totalement absorbé. Nous n’avions peut-être jamais regardé ces œuvres de si près. La technique utilisée, complètement différente de celles que nous connaissions, chamboule délibérément notre esprit et réveille notre tréfonds.

En les touchant, nous avons l’impression qu’elles vont se mettre à nous parler. Au souvenir d’une personne aimée, cela peut nous donner envie, selon le peintre, de leur baiser les mains et de partager avec elles nos peines, nos joies et ainsi profiter de leurs expériences pour en tirer des leçons. Elles sont tout près de nous. Brusquement, nos yeux s’écarquillent et nous entendons monter leurs rires. Puis nous nous retrouvons à discuter sans fin à leurs côtés, apaisés et confiants.

* Eloïse Ebru Fesli