Le chemin vers l'Union européenne aura été long pour la Serbie depuis les années 2000 et la fin de la longue guerre de dissolution de l'ex-Yougoslavie, qui se chiffre aujourd'hui à presque 300 000 morts et beaucoup de crimes encore en cours d'instruction à la CPI de La Haye.
La situation reste encore tendue en cette fin d'année 2022, notamment avec le problème toujours épineux du Kosovo dont l'indépendance de jure date du 17 février 2008 et qui, comme on le sait, ne sera pas reconnue par toute la communauté internationale ‒ notamment par Russie qui, en réaction, reconnaîtra par contre celle des petites républiques pro-russes de Géorgie : l'Ossétie du Sud, l'Abkhazie et l'Adjarie.
C'est bien là encore le problème et la principale entrave au centre de la visite d'Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, fin octobre 2022. Celle-ci devait néanmoins promettre à Belgrade, dans le cadre de la crise énergétique, une aide économique à hauteur de 165 millions d'euros qui doivent s'inscrire dans une aide globale pour l'ensemble des Balkans ‒ l'idée étant aussi de continuer de stabiliser la région en accompagnant le gouvernement d'Alexandre Vucic dans la finalisation de son processus d'adhésion à l'UE. Il faut dire que le temps presse, car Belgrade se retrouve parmi les tout derniers États des Balkans qui n'ont pas encore pu finaliser leur entrée dans le processus.
La situation en novembre 2022 était par exemple toujours bloquée sur la fameuse affaire des plaques d'immatriculations entre Pristina et Belgrade. On rappellera ici un de nos articles publié dans ces colonnes, sur l'émergence d'une nouvelle personnalité forte au Kosovo en la personne du premier ministre Albin Kurti, au pouvoir depuis le 22 mars 2021, et qui instaura un dialogue ferme avec Belgrade.
Cette affaire de plaques, qui peut sembler anodine en l'état, représente un vrai risque d'implosion car elle touche directement aux composantes nationales du Kosovo : en l'occurrence, le pourcentage de Serbes (environ 1,6 % d'un pays composé à 94,5 % d'Albanais) qui continuent d'y vivre. Le problème est que le pouvoir kosovar demande aux Serbes résidant au Kosovo de changer leurs plaques d'immatriculation « serbe », donc « étrangère », au Kosovo pour des plaques nationales kosovars.
Ce blocage provoque donc un gros risque d'embrasement de la minorité serbe du Kosovo, soutenue bien entendu par la Serbie voisine. De longues négociations ont eu lieu, mais elles ont échoué en cette fin d'année.
Nous sommes donc là dans un cas typique d'étincelle qui pourrait déclencher un embrasement local dans cet ex-Yougoslavie qui continue de rester instable plus de 20 ans après sa disparition. Les Balkans, historiquement depuis au moins le XIXe siècle, sont sujets, on le sait, à des petits incidents de ce genre qui provoquent parfois de grands drames. Est-il besoin de rappeler que l'assassinat, le 28 juin 1914, de l'archiduc François Ferdinand, héritier de l'Empire Austro-hongrois, assassinat que l'Empire attribua immédiatement à la Serbie, déclencha des incidents interethniques en Bosnie puis, par le jeu des alliances militaires, la première guerre mondiale...
Autre cas plus récent, le 24 avril 1987 : le leader nationaliste de la Yougoslavie encore communiste, Slobodan Milosevic, mit le feu aux poudres dans un Kosovo qui dépendait alors de la Serbie, en lançant à la minorité serbe cette phrase restée célèbre : « Personne n a le droit de vous battre. » Les conséquences de cette déclaration quelques années plus tard devaient provoquer le réveil des passions nationalistes dans cet État fédéral et déclencher une guerre civile de dix ans dont les conséquences ne sont pas terminées.
En résumé, la question inter-ethnique, en cette fin d'année, reste encore dans cette région un point de forte tension et de risques. On sait bien qu'Alexandre Vucic continue d'osciller entre une UE qui souhaite un ancrage de la Serbie vers l'Occident, et une Russie qui est plus que jamais à la recherche d'alliés ou d'appuis dans cette région instable.
Gageons une fois encore que la diplomatie et l'apaisement prévaudront en 2023, notre continent ayant plus que jamais besoin de paix dans les épreuves qu'il traverse.
Dr Olivier Buirette