La France en Turquie

Face au double séisme qui a frappé la Turquie le 6 février, la France a intensifié sa mobilisation pour assister les populations sinistrées. ...nous avons rencontré S.E. Hervé Magro, Ambassadeur de France en Turquie, qui était en compagnie de M. Olivier Gauvin, Consul général de France à Istanbul.

Par Dr. Hüseyin Latif
Publié en Mars 2023

Face au double séisme qui a frappé la Turquie le 6 février, la France a intensifié sa mobilisation pour assister les populations sinistrées. Dans le cadre du Mécanisme européen de Protection civile, elle a déployé dès le dimanche 12 février un hôpital de campagne de grande capacité dans la région d’Adıyaman.

L’Élément de Sécurité civile rapide d’Intervention médicale (ESCRIM), a été engagé en Turquie pour participer, aux côtés des forces de secours locales, à la prise en charge médicale des personnes blessées par les tremblements de terre, et au renfort des hôpitaux ayant été endommagés. D’une surface de 1000 m2, l’hôpital dispose de deux blocs opératoires et peut accueillir jusqu’à 100 patients par jour.

Pour déployer cette structure hospitalière autonome, 87 personnes ont été mobilisées : 45 sapeurs-sauveteurs des Formations militaires de la Sécurité civile, et 42 sapeurs-pompiers et marins-pompiers venant des quatre coins de France. Parmi ces femmes et hommes, des chirurgiens, médecins, anesthésistes, infirmiers, sages-femmes, radiologues, biologistes, kinésithérapeutes, pharmaciens, auxiliaires de santé... Ces personnels de santé étant accompagnés d’une équipe logistique pour assurer le fonctionnement de l’hôpital.

Une équipe de préfiguration de la sécurité civile est venue dans le sud de la Turquie afin d’organiser la logistique de ce déploiement, en lien avec notre ambassade à Ankara et l’équipe du Centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères déployée sur place en début de semaine. La structure médicale a été transportée par un avion d​'Air Cargo de type A330-200 F, les personnels médicaux et logistiques par un second vol affrété par le Centre de crise et de soutien du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

La France a déployé aussi, dès le 13 février, deux détachements de recherche et secours sous décombres de la Sécurité civile comprenant 136 secouristes et 10 chiens.

Pour mieux comprendre l’ampleur de cette terrible catastrophe qui a causé la perte de plus de 50 000 personnes selon les dernières estimations, et également détruit des villes historiques et multiculturelles, nous avons rencontré S.E. Hervé Magro, Ambassadeur de France en Turquie, qui était en compagnie de M. Olivier Gauvin, Consul général de France à Istanbul.

 

H. Latif : Quel est le sentiment de la France, et plus particulièrement votre sentiment face à ces terribles séismes qui viennent de frapper la Turquie et la Syrie ?

M. Hervé Magro : Ce qui nous a tous profondément marqués, c’est bien entendu l’ampleur de la catastrophe à laquelle nous étions confrontés… Il convient d’abord d’avoir une pensée pour toutes les victimes, pour ceux qui ont disparus et aussi pour les familles touchées par cette catastrophe.

Et si je puis dire, geçmiş olsun. Nous sommes immédiatement entrés dans un processus d’aide qui comporte plusieurs phases et qui va s’inscrire dans la durée. Nous avons accompli la phase d’urgence, mais d’autres phases se succèderont, avec une phase finale de reconstruction. Ce processus va donc rester en vigueur et se déroulera pendant plusieurs années.

Si l’ampleur de la catastrophe m’a frappé quand je suis allé sur le terrain, l’ampleur et la rapidité de la réponse internationale m’ont tout autant marqué. Je pense que les autorités turques y ont aussi été sensibles. Une heure et demie environ après le séisme, les autorités turques avaient lancé un appel à l’aide internationale, ce qui en soi était un indicateur de la gravité de la situation ; parce qu’en principe, la Turquie est un pays doté d’une organisation étatique, et nous avions vu il y a deux ans, lors du tremblement de terre d’Izmir, que les moyens turcs avaient alors suffi. Aussitôt lancé, cet appel a reçu une réponse immédiate et efficace de la part de nombreux pays dans le monde. Les chiffres à ce sujet, en particulier ceux communiqués par l’Union européenne, sont significatifs.

Ainsi, plus d’une vingtaine de pays de l’Union européenne ont répondu très rapidement. Plus de 1700 secouristes sont venus d’Europe, avec au total 110 chiens accompagnant ces équipes. La France a envoyé immédiatement deux équipes de secouristes de recherches et de secours, comportant 136 secouristes et une dizaine de chiens. La réponse ayant été quasi immédiate, les autorités ont dû gérer sur le terrain cet afflux majeur d’équipes arrivées de l’étranger, et ce dans un contexte chaotique dû à l’ampleur de la catastrophe.

 

L’ampleur de la catastrophe

Autre fait marquant : l’immense élan de solidarité, en Turquie et de par le monde. Car à ces secouristes professionnels, au-delà de cette aide étatique importante, se sont très vite ajoutés des équipes de bénévoles ; cela a été relayé surtout par les réseaux sociaux. Pour la France, nous avons  identifié au moins cinq ou six associations de bénévoles, de pompiers, d’anciens de la sécurité civile etc., qui ont afflué à Roissy avec leur matériel et leurs chiens. Ils ont pu arriver en Turquie en même temps que les équipes officielles. Cette énorme solidarité, au-delà des gouvernements qui répondaient à l’appel, c’est vraiment quelque chose qui doit être souligné, parce qu’elle a touché la société tout entière. Et ces équipes bénévoles ne sont pas nécessairement composées de Franco-Turcs, il y en a même très peu : ce sont vraiment des gens de la société civile française qui se sont mobilisés. Je pense que cet élan est quelque chose de très important, parce que ça casse aussi une certaine idée que la Turquie, en Europe, personne ne s’en préoccupe. La population française a tout de suite compris l’ampleur de la catastrophe, et devant l’urgence, elle s’est mobilisée par esprit de solidarité. Pour moi, un des enseignements majeurs de ces premières heures, c’est cette solidarité qu’ont montrée non seulement les gouvernements, mais aussi les populations. Je dois aussi et bien sûr saluer l’énorme mobilisation de la communauté franco-turque, qui à travers le pays a organisé des collectes et l’envoi de dons.

Ceci pour ce qui concerne les sentiments, les réactions, les réponses en général, dans le monde et en France en particulier.  Je voudrais parler d’un deuxième point en ce qui me concerne, c’est la sidération qui m’a saisi de plein fouet en allant sur le terrain. Il n’y a pas d’autre mot pour exprimer ce sentiment. Vous ne croyez pas ce que vous voyez.  Tout le monde a vu les photos, les images à la télé, mais quand on est sur place, sur le terrain, il y a une dimension supplémentaire : c’est la réalité d’une catastrophe inimaginable, on est témoin direct de la détresse des sinistrés et aussi des efforts démesurés des secouristes.

Je me suis rendu sur place, notamment à Kahramanmaraş, pour remercier les équipes de secours et pour préparer l’arrivée de notre hôpital de campagne. Cet hôpital de campagne constitue la phase 2 de notre aide, s’inscrivant dans la continuité de notre action. Il est installé non loin d’Adıyaman, à Gölbaşı, et compte une équipe de 91 personnes. Il s’agit d’un véritable hôpital, pas seulement de quelques tentes d’appoint pour essayer d'aider l’hôpital local. Il comporte des salles d’opération, une unité de maternité, un laboratoire, une pharmacie… Cet hôpital de haut niveau est d’ailleurs labellisé par l’OMS, et est unique en France.

Bien sûr, la France n’est pas le seul pays à avoir envoyé un hôpital de campagne, mais nous sommes à peu près les seuls à avoir installé notre hôpital dans cette zone Adıyaman-Gölbaşı ; beaucoup se sont implantés dans la zone de Hatay.

H. Latif : Les Américains ont aussi un hôpital là-bas, je crois…

M. Hervé Magro : Oui les Américains en ont installé deux dans la région de Hatay ; de même, les Espagnols en avaient un, les Italiens aussi, les Britanniques un double, civil et militaire… Nous n’étions donc pas les seuls dans la zone des séismes, mais bien les seuls dans cette zone d’Adıyaman-Gölbaşı. Notre objectif était de soutenir les médecins en attendant que l’hôpital de Gölbaşı puisse redevenir opérationn