La Renaissance à travers les yeux de Vasari

Dans mon dernier article, je vous ai parlé de l’influence des trois Titans de l’époque de la Renaissance, à travers les yeux de l’une des figures les plus influentes de l’histoire de l’art, sinon la plus importante de tous les temps :

Par Mehdi Emamifard
Publié en Mars 2023

Giorgio Vasari. Continuons à analyser et approfondir ce pan fascinant de l’histoire de l’art à travers les yeux de Vasari, en évoquant également sa façon d’étudier et d’interpréter l’art et l’architecture avant la Renaissance : en l’occurrence, l’art et l’architecture gothiques et médiévaux.

La Renaissance fut une ère de créativité sans précédent dans la réalisation artistique humaine, et généra des miracles dans l’art et l’architecture. Difficile donc pour quiconque d’oser remettre en question les motivations de Vasari, tant étaient grandes ses capacités artistiques, ainsi que sa faculté de reconnaissance du talent à cette époque. Il croyait que la barbarie de « l’âge des ténèbres » médiéval et gothique était la principale raison pour laquelle la Renaissance avait été façonnée. L’impact de Vasari sur l’histoire de l’art resta inégalé. Cependant, il pénalisa sciemment bon nombre d’artistes en ne les mentionnant pas dans son livre.

Ainsi, il éclipsa et rabaissa habilement l’art gothique pour amplifier, illustrer et sur-glorifier l’époque dont il était témoin, la Renaissance florentine. L’ère de la Renaissance, pour lui, était un renouveau de l’art classique, il le plaça donc au centre de ses préoccupations.

Il se focalisa donc sur l’architecture et l’art gréco-romains. Vasari considérait que tout style ou tout artiste en dehors de cela n’était pas de l’art ou de l’architecture civilisés. Il considérait ainsi l’architecture gothique comme barbare.

Certains pensent que Vasari n’était pas un penseur spéculatif, car il ne s’est pas contenté de promouvoir et de vanter la glorieuse époque de la Renaissance florentine, il la considérait comme un incubateur de talents. Certains avancent qu’il pensait seulement à valoriser ses propres pratiques en portant ainsi des jugements sur l’art et les artistes à son époque.

Cette façon de penser était en contraste direct avec la pensée spéculative des trois Titans basée sur leur style et leur forme au coup de pinceau parfait. Vasari reprocha souvent à Leonardo Da Vinci d’être d’une nature erratique et excentrique et de laisser des œuvres inachevées. À propos de Raphaël, il reconnut sa brillante capacité artistique, mais souligna aussi et surtout sa nature impétueuse et malsaine.

Mais en qualifiant Michel Ange de  « Messie de l’art », il se permit d’établir une classification qualitative des trois Titans. Certes, la sublimité de l’art de Michel-Ange est universellement reconnue. Mais il en est de même pour le travail du grand maître Leonardo Da Vinci. Il est dès lors sidérant de voir la façon dont Vasari entreprend de départager les deux peintres sublimes de l’époque. 

En comparant les deux, nous devons examiner les peintures de Vasari pour voir pourquoi il était enclin à choisir Michel-Ange comme le Messie incontestable de l’art. Vasari était un artiste vassal de la famille Médicis, mécène de l’art à Florence. Par ailleurs, il faut également comprendre les raisons du mépris de Vasari pour l’art médiéval et l’ère gothique, qualifiés par lui de formes primitives d’art et d’architecture.

Vasari a désigné Filippo Brunelleschi en tant que superstar de l’architecture de la Renaissance, et ce à juste titre. Sur base de ses recherches approfondies sur l’Antiquité et l’architecture romaine afin d'en tirer des règles pratiques de construction, Brunelleschi les a remises à l’honneur pour les porter à la perfection. Il essaya notamment de comprendre les proportions et les méthodes de taille de pierre.

Selon Brunelleschi, formé à l’académie néoplatonicienne des Médicis, la beauté est une illusion et n’est donc pas digne de confiance, car ce qui vient de nos sentiments et intentions est corrompu et subjectif. Son but : amplifier la sophistication de l’architecture romaine et la porter à un autre niveau, était tout à fait en phase avec les idées de Vasari. L’œuvre maîtresse de Brunelleschi, le dôme de la cathédrale Santa Maria Del Fiore, au cœur de Florence, est considérée comme l’une des réalisations architecturales les plus remarquables de l’humanité dans l’art et la science de la conception du dôme.

Bien que la Rome antique et ses merveilles aient fait l’objet d’un discours populaire à l’époque, peu d’architectes et artistes avant Brunelleschi et Donatello avaient étudié en détail le tissu physique de ses ruines. On détecte dans les éléments caractéristiques des bâtiments conçus par Brunelleschi, en ce compris même l’éclairage, les règles que l’architecte a tirées de ses études de l’architecture romaine classique : dépréciation des éléments architecturaux distincts à l’intérieur d’un bâtiment, au profit d’un équilibrage de l’ensemble des éléments visant à homogénéiser et à valoriser l’espace.