Acteur puis metteur en scène, Ümit Erlim a récemment collaboré à l'adaptation théâtrale du roman Yalnız de Zeynep Kaçar, qu'il a dirigée avec une approche avant-gardiste. Ce projet s'inscrit dans une démarche de déconstruction des formes théâtrales traditionnelles, avec des choix de mise en scène audacieux et une réflexion sur la manière dont le théâtre peut aborder des thèmes contemporains tels que la violence faite aux fe
Comment avez-vous découvert votre passion pour le théâtre ?
Ma passion pour le théâtre a commencé à 18 ans, lorsque j'ai séjourné en Angleterre pour des études de langue. Là, j’ai découvert les théâtres londoniens, qui m'ont fasciné. À mon retour en Turquie, je me suis inscrit au club de théâtre de mon université et, au fur et à mesure, j’ai été attiré par la dimension sociale et créative du théâtre. En troisième année de mon parcours universitaire, j’ai décidé que je voulais devenir comédien.
Quelles ont été les étapes clés de votre parcours académique avant de vous lancer dans le théâtre ?
J'ai d’abord étudié à l’Université Technique d'Istanbul pendant trois ans dans le domaine de l'ingénierie physique, avant d’abandonner pour me tourner vers le métier d’acteur. Après avoir été accepté à Kadir Has University pour des études de théâtre, j'ai poursuivi ma formation en Master à Goldsmiths, University of London, en Performance Making. Cela m'a permis de m’éloigner de l’ingénierie et de me plonger dans le monde du théâtre. J'ai vécu en Angleterre pendant quatre ans, puis à Paris où je suis resté un an. Ces voyages m'ont permis de m'immerger dans des cultures théâtrales très diverses et d’élargir mon horizon artistique.
Après avoir été acteur, qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la mise en scène ?
Tout a commencé lorsque j’étais impliqué dans la production de Roméo et Juliette au théâtre Dasdas. Ma collègue Başak et moi avons eu l’idée de créer un projet ensemble. Et lorsque j'ai découvert le roman de Zeynep Kaçar, Yalnız, nous avons décidé d'adapter cette œuvre. Ce fut ma première grande expérience en tant que metteur en scène et, au-delà de ma passion pour le métier d’acteur, la mise en scène m’a fasciné par le processus créatif collectif qu'elle engendre.
Comment s’est faite l’adaptation du roman Yalnız au théâtre ?
Nous avions décidé de faire quelque chose de plus avant-gardiste, et différent. S’est alors posé la question économique... Nous n’arrivions pas à réunir le budget nécessaire. On s’est donc dit qu’on allait attendre, reporter le projet… Mais suite au succès de notre pièce Treplev et sa sélection au Festival de théâtre İKSV, nous leur avons présenté le concept de Yalnız. Le Festival a accepté notre projet, nous octroyant un soutien via le Fonds des jeunes artistes.
Quelle a été l’approche de mise en scène pour Yalnız ?
Nous avons choisi de ne pas simplement raconter l’histoire, mais de la présenter de manière avant-gardiste. Ce projet s'inscrit dans une démarche de déconstruction des formes théâtrales traditionnelles, avec des choix de mise en scène audacieux. L’un des choix audacieux que nous avons faits était de confier tous les rôles, y compris celui du personnage masculin, à des actrices, afin de renverser les conventions et d’explorer les rôles traditionnels sous un nouveau jour. Cela reflète aussi une critique de la société où les femmes luttent pour exister et s’imposer.
Quelle a été la réaction de l’écrivaine pour l’adaptation de son roman ?
Zeynep suivait attentivement notre travail. Elle avait vu nos productions précédentes, qu’elle avait appréciées, et elle nous a soutenus. Quand nous avons enfin pu adapter Yalnız, elle a exprimé son enthousiasme et son souhait de travailler avec nous. Son implication dans le projet a insufflé une profondeur supplémentaire à l’œuvre.
Comment avez-vous abordé la question du féminisme et de la violence dans Yalnız ?
Nous avons voulu aborder le féminisme de manière subtile, en mettant l'accent sur le parcours de l’héroïne, Feray, qui lutte pour prendre le contrôle de sa vie. Le thème de la violence et de l'oppression des femmes est omniprésent dans le roman et la mise en scène, mais nous avons choisi de ne pas tomber dans le drame pur. Nous avons ajouté une dimension absurde et humoristique, ce qui permet de réfléchir sur ces questions tout en ayant une distance critique. Le public a réagi positivement, et les spectateurs ont semblé apprécier la manière dont nous avons réinterprété des thèmes contemporains à travers une approche théâtrale.
Vous faites un doctorat. De quelle manière votre recherche académique dans le théâtre influence-t-elle votre approche de la mise en scène et votre jeu de comédien ?
Ma recherche en dramaturgie et critique théâtrale, qui porte tout particulièrement sur l'intégration des systèmes de Stanislavski et de Laban dans le mouvement et la performance, nourrit ma pratique d'acteur et de metteur en scène. Je m'intéresse à la manière dont le corps et la psychologie des personnages s’entrelacent, et comment cela peut être utilisé pour enrichir le langage scénique. Cette approche théorique me permet de toujours pousser plus loin l'expérimentation en tant qu'artiste.
Pouvez-vous nous parler de vos projets futurs ?
Mon principal objectif est de terminer mon doctorat et de continuer à enrichir mes recherches. En même temps, je veux explorer de nouvelles voix créatives à travers le théâtre et rester engagé dans des projets qui questionnent les conventions sociales et artistiques. J’envisage également de revenir régulièrement en Europe pour de nouvelles collaborations artistiques et recherches.