Le marché des applications de rencontre est en pleine mutation, certes, mais ce virage était pour le moins inattendu. Dans un mouvement de détournement des utilisateurs de ces applications, les internautes pointent du doigt des plateformes particulièrement addictives et qui ne débouchent que sur peu de rencontres.
En février dernier, un groupe de six hommes poursuivait d’ailleurs en justice à San Francisco le groupe Match, qui possède notamment Meetic, Hinge et Tinder. Le motif : leur modèle commercial est « prédateur », et conçu pour « éroder la capacité de l’utilisateur à décrocher », selon les termes de la plainte déposée.
Judith Duportail, journaliste et autrice, a d’ailleurs écrit Dating Fatigue, amours et solitudes dans les années (20)20 pour pointer les habitudes de certains célibataires dans le champ de la séduction, après avoir étudié en détail le fonctionnement de Tinder. Parmi les reproches qu’elle porte sur l’application figure en bonne place le manque de spontanéité et de hasard dans les matchs, qui font cependant en partie la beauté des rencontres.
Face à ces insatisfactions, les comportements changent mais pas les objectifs. Les consommateurs ont ainsi tendance à s’en remettre aux réels hasards de la vie et aux coups de tête, grâce notamment à d’autres sites internet. Il semblerait que les plateformes professionnelles telles que LinkedIn aient en partie pris le relais des Bumble et autre Adopte un mec. Si un collègue est charmant, ou si un profil inconnu est attirant, les sites professionnels sont parfois la solution de la dernière chance. Selon un sondage effectué aux États-Unis en février, ils sont même devenus plus populaires que les sites de rencontre : 52 % des personnes sondées ont déjà utilisé ce type de site professionnel à des fins romantiques, contre 45 % pour des applications de rencontre classiques.
Le manque de résultats satisfaisants est une des raisons principales de cette défection progressive du public pour les sites de rencontre. D’après un sondage réalisé à l’automne 2023 pour Le Point, 44 % des utilisateurs français se disent « insatisfaits » de leur expérience sur ces sites, du fait d’un manque de « matchs », mais aussi de profils mensongers à répétition ou même parfois de cyberharcèlement. Les prises de contact s’effectuent donc de plus en plus par détournement de sites à l’extérieur du marché des applications de rencontre. Toutefois, le marché du dating se porte toujours bien et il devrait croître de 4 % en France d’ici 2026, et de 7 % dans le monde, d’après les chiffres donnés en 2023 par le CEO d’Happn, Karima Ben Abdelmalek.