Ayant grandi en Turquie mais fils d'une Belge travaillant au consulat de Belgique à Istanbul, Berkay Karakan représente la troisième et dernière génération d'immigrants entre les deux pays.
Berkay Karakan a 17 ans et est né et a grandi à Istanbul. Aujourd'hui en classe de terminale, au seuil des études supérieures, nous l'avons rencontré pour parler de sa situation et de sa perception de l'évolution des différentes générations d'immigrants. Ses grands-parents faisaient partie de la première génération, qu'il appelle la génération de la modernité. Ces Turcs avaient des ambitions de carrière en Belgique, et visaient la modernité et l'innovation dans divers domaines pour obtenir de meilleures opportunités sur le marché du travail. Mais pour lui, sa génération est tout autre : c'est celle du post-modernisme. Il s'agit surtout pour eux de choisir entre les différentes cultures, pour y vivre en fonction de leurs propres aspirations et inclinations.
Pour lui, qui n'a toujours vécu qu'en Turquie, ce qui compte est de choisir et se faire son propre chemin, à la différence des générations précédentes qui étaient peut-être davantage guidées par les choix familiaux. Mais Berkay a toujours défendu son choix personnel, ses envies. Il explique aussi que la deuxième génération sait parfaitement s'adapter entre les deux cultures, à l'instar de sa mère. Mais ce fait n'est probablement pas généralisé, car la deuxième génération n'est pas monolithique, c'est un ensemble de personnes aux personnalités et aux sentiments qui varient selon leur histoire familiale souvent complexe. Autant de trajectoires dont les aspirations variées font la richesse et la subtilité de cette génération d'immigration.
Berkay Karakan, maître de son destin, souhaite désormais partir en Belgique dès la fin du lycée pour y étudier les sciences pharmaceutiques et y travailler en tant que chercheur, parce que les opportunités professionnelles y sont plus importantes qu'en Turquie. Au cœur de l'Europe et de l'Union européenne, la Belgique est donc toujours populaire auprès de la troisième génération. Pour lui, le marché du travail est meilleur là -bas, l'enseignement en université est également de meilleure qualité et le niveau de vie général est supérieur, du fait d'une monnaie plus forte et du réseau européen économique et politique. Et pour être plus précis, la Belgique comme la France abritent d'importants (voire géants) groupes pharmaceutiques. En fait, il a toujours su qu'il partirait un jour ou l'autre pour la Belgique, sa « deuxième maison ». Et ce moment est venu.
Pragmatique dans son choix de la Belgique pour sa vie professionnelle, ce qu'il aime en particulier en Belgique est la culture culinaire. Mais pour lui, la Belgique se résume surtout à des souvenirs de vacances passés dans sa famille. Vivre là -bas sera donc une façon nouvelle d'apprendre sur le pays, l'occasion de visiter, embrasser la culture et respirer l'esprit belge au quotidien. Pour l'instant, ses connaissances sur la Belgique viennent en grande partie de sa mère, qui lui a appris le néerlandais et les valeurs belges. Ensuite, il a appris le français à l'Institut français d'Istanbul. Ce polyglotte a aussi appris l'anglais à l'école en tant que première langue étrangère, et l'allemand en seconde langue étrangère. Et bien sûr, le turc est sa langue maternelle. à€ 17 ans, il maîtrise donc cinq langues !
Cependant, la maîtrise linguistique n'est pas toujours suffisante pour s'implanter dans une culture. Lui-même parle de « crise d'identité », c'est-à -dire la longue recherche de soi,
comprendre qui l'on est et d'où l'on vient. Comme Zeynep Demirel, il ne s'est jamais vraiment senti entièrement Belge, mais toujours un peu entre les deux cultures. Vivre en Belgique lui permettra précisément d'achever son cheminement dans cette crise d'identité, pour comprendre le cà´té belge de son existence qu'il n'a connu jusqu'à maintenant que pendant les vacances. Parce qu'en représentant de la troisième génération, Berkay Karakan peut choisir sa voie comme il l'entend : une très grande force.
Dr Mireille Sadège