Représentante de la deuxième génération d'immigrants entre la Turquie et la Belgique, Zeynep Demirel se sent avant tout comme une « citoyenne du monde ». Voici son portrait. (un article de Gabrielle Mahias)
Née en Turquie en 1989, Zeynep Sever a grandi à Kuşadası jusqu'à ses 12 ans. Son père, immigrant de la première génération, vivait déjà continuellement en Belgique ; mais sa mère n'avait pas voulu quitter la Turquie car elle y travaillait. C'est donc au début des années 2000 que toute la famille Sever part en Belgique, et Zeynep débute une vie entre des cultures différentes. à€ l'aube de la puberté, vivre dans un pays différent de celui qu'elle avait toujours connu a été un exercice parfois dur selon elle. Mais elle considère que les enrichissements linguistiques, culturels et aussi intellectuels l'ont précisément aidée à se forger une personnalité au cœur du monde, à même de s'adapter partout. Elle a appris le français, fréquenté l'école belge, s'est fait des amis là -bas, et s'est aussi ouverte intellectuellement.
à€ cette époque et selon ses dires, la Turquie n'était pas un pays multiculturel. Il était très, voire trop homogène culturellement, résultat de la politique d'unification de la République de Turquie depuis sa construction dans les années 1920. à€ l'inverse, le Royaume de Belgique abritait déjà en son sein une diversité culturelle impressionnante, apportant des réponses à des problématiques d'inclusion par exemple, auxquelles la République de Turquie n'avait jamais vraiment été confrontée. Composée de la Wallonie et des Flandres, au cœur de la CEE, amie historique du Luxembourg et des Pays-Bas, bientà´t cœur institutionnel de l'Union européenne, la Belgique incarne effectivement la multitude culturelle et politique. C'est dans ce pays que l'ancienne Miss Belgique a toujours été en contact avec des personnes étrangères, et a eu des amis étrangers. Et cela reflète ce que la Belgique lui a le plus apporté, pour sa vie professionnelle certes, mais aussi et surtout en tant que personne.
Le désavantage d'être allée en Belgique si longtemps a été pour elle de perdre ses repères turcs. Au point que son retour en Turquie à l'à¢ge de 20 ans a été difficile, alors que la Turquie est son « premier » pays, là où elle est née et a grandi. Après son mandat de Miss, elle est en effet retournée en Turquie pour épouser Volkan Demirel, célèbre gardien de football turc, et y vivre définitivement. Mais ayant baigné dans la culture et l'esprit belge pendant presque une décennie, le retour à Istanbul a été rude, en particulier au niveau relationnel : la mentalité turque n'est pas la mentalité belge. Un ou deux ans ont donc été nécessaires à Zeynep pour se réintégrer, dans une République turque en évolutions politiques, économiques et sociales aussi perpétuelles qu'énormes.
Mais ces changements de pays et ces exercices d'adaptation dans le monde relationnel font qu'elle sait dorénavant vivre dans tout pays. Au-delà des cultures, religions ou ethnicités, elle se positionne toujours de la même façon au sein d'un groupe, considérant uniquement les personnes individuellement. Comme elle le dit elle-même, elle pourrait s'installer demain aux États-Unis ou dans un pays d'Afrique, elle saurait s'y prendre. Elle saurait rebà¢tir une vie, trouver sa place, peu importe le contexte. Les amitiés seraient peut-être plus difficiles à construire, parce qu'en tant que « citoyenne du monde », elle admet se sentir plus entre la Belgique et la Turquie que vraiment dans les deux à la fois.
Aujourd'hui, c'est sa double culture cumulée à son adaptabilité et son ouverture d'esprit qui font qu'elle se sent « citoyenne du monde ». Attachée nulle part mais pouvant s'ancrer n'importe où, et portant un solide bagage de connaissances dans plusieurs cultures, elle a obtenu grà¢ce à son parcours de vie les armes pour réaliser son rêve professionnel : devenir réalisatrice de films. Après son élection au titre de Miss Belgique à 19 ans et son travail au comité pendant un an, Zeynep Sever est retournée en Turquie et y a épousé son mari. Enceinte de leur première fille, elle s'inscrit à l'université Bilgi à Istanbul en cinéma pour devenir réalisatrice. Quelques années après, elle saute sur l'opportunité d'être actrice et d'entrer dans ce milieu en travaillant pour une série télévisée. Elle a aussi tenu une maison de production pendant quelques années, avant d'arrêter son activité à cause de la pandémie de la Covid-19. Mais ce coronavirus n'a pas détruit son rêve, et le cinéma est toujours la voie qu'elle veut emprunter.
Zeynep Demirel, née Sever, est donc de la deuxième génération d'immigrants entre la Turquie et la Belgique. Après son père, de la première génération à quitter la Turquie pour la Belgique, elle part à son tour en Europe. Partie jeune, puis revenue en Turquie pour y vivre sa vie de famille, elle n'a pas de lien direct avec la troisième génération.