En poste depuis trois ans et demi à Ankara, l'Ambassadeur de Belgique en Turquie, S.E. Monsieur Paul Huynen, est ravi de son expérience turque, l'une des meilleures, dit-il, qu'il ait vécues dans sa carrière. (un article de Gabrielle Mahias)
Ambassadeur de Belgique en Turquie depuis plus de trois ans, Paul Huynen arrive peu à peu à la fin de son mandat. L'occasion pour lui de dresser un bilan tant personnel que sur les relations entre les deux pays.
Le diplomate tient d'emblée à souligner la qualité du travail diplomatique mené par la Turquie. Depuis les années 1990 où, dans le cadre de l'OTAN, il rencontrait des représentants turcs dans les réunions liées au Caucase, il a toujours été témoin de la grande importance accordée par la Turquie aux pourparlers avec ses partenaires étrangers. Paul Huynen considère ainsi que son travail en Turquie a été particulièrement fécond. « La Turquie, c'est l'un des meilleurs postes de ma carrière diplomatique depuis plus de trente ans. Et ce n'est pas pour être gentil avec la Turquie ; c'est vrai, c'est du fond du cœur », affirme-t-il. Que ce soit à travers les liens avec le Ministère des Affaires étrangères turc, les autorités locales comme les gouverneurs ou les maires, ou la chambre de commerce, Paul Huynen considère que « c'était une diplomatie exceptionnelle ».
Par ailleurs et suite aux récents événements, poursuit Paul Huynen, la Turquie présente un très large panel de sujets à traiter, ce qui encore une fois rend le travail d'ambassadeur passionnant. Le pays lui-même, par sa position géographique particulière entre l'Asie et de l'Europe, aux portes du Moyen-Orient, se trouve naturellement au centre de l'échiquier diplomatique dans la région. De par ses frontières, la Turquie entretient des relations intenses et multiples avec de nombreux pays, ce qui est très stimulant pour un ambassadeur car cela lui permet, dit-il, « d'apprendre beaucoup de choses dans le cadre de nos propres relations bilatérales avec ces pays-là ». Durant sa mission en Turquie, l'ambassadeur a ainsi évolué dans une conjoncture mouvementée, marquée principalement par la guerre en Ukraine et les efforts de la Turquie dans ce conflit, la guerre entre le Hamas et Israël et la position adoptée par la Turquie, et enfin les tremblements de terre dans le Sud-Est du pays en 2023. Dans des situations aussi complexes, souligne Paul Huynen, la Turquie a toujours tenu à aborder et traiter ces questions avec le plus grand sérieux.
L'Ambassadeur de Belgique tient bien sûr à évoquer la beauté du pays et sa richesse culturelle, qui ont rendu ses années turques inoubliables : en particulier, l'hospitalité de la population, la richesse culinaire, et naturellement l'histoire. Il a parcouru le pays et découvert plus d'une centaine d'endroits fabuleux, et ses trois années de mandat ont passé vite. « Je pense que j'ai acquis une vue tridimensionnelle de la Turquie, et qu'il faudrait quatre années de plus pour en apprendre plus sur le pays », dit-il.
Cadre de travail intéressant et agréable donc. Mais avant tout, souligne Paul Huynen, ce poste diplomatique est très important pour la Belgique en particulier car il s'inscrit dans une continuité historique. Les relations du Royaume de Belgique avec l'Empire ottoman ont en effet été instaurées en 1838, soit peu après la naissance de la Belgique, avec le Treaty of Friendship and Commerce. Et depuis, l'amitié et le commerce constituent toujours le fondement des relations entre les deux pays, en ce compris après le passage de l'Empire ottoman à la République de Turquie. La Belgique a ainsi été parmi les premiers pays à suivre Mustafa Kemal Atatürk à Ankara, ce qui lui a d'ailleurs conféré
l'avantage de placer sa représentation diplomatique sur le très beau boulevard Atatürk. D'autre part, l'Empire ottoman fut l'un des premiers pays à instaurer des relations diplomatiques avec le Royaume de Belgique à sa création. Autrement dit, indépendamment des prises de positions respectives de la Turquie et de la Belgique dans leurs relations internationales, l'amitié entre les deux pays est bien ancrée. Aujourd'hui, les relations se sont intensifiées, et on observe depuis des décennies un contact certain entre les populations. La convention sur l'immigration (« Accord entre la Belgique et la Turquie relatif à l'occupation des travailleurs turcs en Belgique du 16 juillet 1964 »), qui va donc fêter ses 60 ans, a poussé de nombreux Turcs à s'installer d'abord dans la province du Limbourg, autour des industries du charbon et de l'acier. Par ailleurs, plus de 500 000 touristes belges profitent du soleil de la riviera turque ou des grandes villes l'été. On estime aussi qu'environ 12 000 Belges vivent en permanence en Turquie. Plus encore, les relations commerciales entre les deux pays sont très importantes, ce qui compte pour la Belgique dont la richesse provient à 80 % de son commerce extérieur. En 2020, le volume du commerce entre les deux pays s'élevait à environ 9,5 milliards d'euros, pour atteindre, en 2023, 13,3 milliards d'euros.
En clair, le traité de 1838 a gardé tout son sens aujourd'hui. La question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne est certes délicate et difficile depuis des décennies, mais cela n'a pas affecté les bonnes relations turco-belges. L'Ambassadeur Paul Huynen s'apprête ainsi à quitter Ankara, dans la plénitude de sa satisfaction professionnelle et de ses riches souvenirs.
Gabrielle Mahias