De grandes œuvres musicales se sont jadis inspirées de la culture de l'Empire ottoman.
On pourrait rappeler des créations remontant à l'époque des Turqueries, comme L'Enlèvement au sérail, de Mozart. Mais plus près de nous, au XXe siècle, c'est la ville d'Istanbul et la Turquie qu'un certain nombre de chansons en français ont pris pour sujet. Et l'on peut noter tout d'abord qu'elles évoquent parfois des événements historiques. Par exemple, l'auteur-compositeur Fikret Kızılok, dans son album de 1997 intitulé Journal d'un révolutionnaire, écrit une chanson sur la vie de Mustafa Kemal en 1913, alors que ce dernier était Attaché militaire à Sofia. Là , Mustafa Kemal aurait vécu avec Dimitrina, la fille d'un général bulgare, une idylle amoureuse rendue impossible par le contexte politique mais aurait échangé avec elle de nombreuses idées sur l'émancipation des femmes. Fikret Kızılok raconte cette anecdote et utilise comme refrain un poème en français du poète belge Léon de Montenaeken, publié en 1877 sous le titre « Peu de choses », que le futur Atatürk cite dans l'une de ses lettres postées de Sofia : « La vie est vaine : un peu d'amour, un peu de haine... Et puis-bonjour ! La vie est brève : un peu d'espoir, un peu de rêve... Et puis-bonsoir ! ». En 1928, le chanteur Alibert enregistre une chanson de circonstances, « Constantinople », dans laquelle il évoque de façon humoristique les changements de la Turquie après l'instauration de la république turque : « Les jeunes Turcs ont décrété de ne plus porter de fez sur la tête, ça les embête ! Tous les eunuques ont disparu, ça ne se fait plus, les femmes voilées s'en sont allées ! Seule, Constantinople garde son nom, sans doute pour la prononciation... »
Plus tard, les chansons évoquant Istanbul seront plutà´t lyriques ou sentimentales, associées au thème de la rencontre amoureuse. Tout le monde connaît la très célèbre création « Les filles d'Istanbul » de Jean Yves Gran, interprétée par Dario Moreno : « Les filles d'Istanbul sont si jolies qu'aucun garçon jamais ne les oublie. Les filles d'Istanbul ont pris mon cœur, pour la vie... Je rêve encore de ces nuits bleues sur le Bosphore quand les amants vont deux par deux... » Le texte de la mélodie « Istanbul » associe également la cité millénaire à l'amour : « C'est à Istanbul ou Constantinople, que je suis allé un jour pour y découvrir le grand amour, que l'on attend toujours. Istanbul ça n'est plus l'Europe, c'est à Istanbul ou Constantinople, que je l'ai trouvée un soir qui flà¢nait, au milieu de la foule d'Istanbul... » Quant aux strophes de « Ali », dont le refrain est en turc, elles vantent la séduction des femmes turques : « Je t'ai rencontrée le long du Bosphore, tu m'as enflammé comme un bout de phosphore, avec tes grands yeux de braise ardents, ton corps enivrant, ta marche ondulante... » Cependant, en 1965, le chanteur arménien Marc Aryan donne une vision beaucoup plus nostalgique de la ville d'Istanbul, connotée par le thème de la séparation : « Istanbul, Istanbul, j'ai laissé dans tes murs, Istanbul, Istanbul, une fille au cœur pur, une enfant que j'aime, belle comme un poème, avec de grands yeux noirs, pareils à l'ombre du soir. Istanbul, pourquoi la vie sépare-t-elle les amants ?... Istanbul, Istanbul, j'ai soif de ses baisers, Istanbul, Istanbul, de sa peau veloutée. J'ai faim de ses regards, je voudrais la revoir... » En outre, en 2013, Jean-Jacques Debout, dans son album intitulé « Bourlingueur des étoiles », utilise des références orientalistes dans la chanson « Aziyadé » qui s'inspire de la biographie de Pierre Loti : « Combien de matins et de nuits, tu en as rêvé d'Aziyadé, toi l'officier, toi Pierre Loti, dans cet Orient qui t'a aimé.... Aziyadé plus belle qu'une fleur au printemps, Aziyadé au parfum de l'Orient... » Enfin, en 2019, le rappeur lyonnais Ozel, dans « Beauté turque », dresse le portrait des « femmes fatales » de la Turquie : « Elle prend ton cœur et ton égo en otage, tu fais du repérage dans les mariages, ta famille veut te marier, ça, même si t'as pas l'à¢ge, t'aperçois que sa beauté parle à sa place... Son papa a le sang chaud, donc fais pas trop le malin, tu veux une beauté turque, mais est-ce que tu fais les choses bien ? Elle est dans ta tête, ça va te bousiller, prends garde, la concurrence peut te fusiller, c'est un missile, elle se fait désirer. Elle te néglige, elle ne veut pas s'abonner, c'est la beauté turque... » Cette liste n'est pas exhaustive et on peut gager qu'elle s'enrichira encore au fil du temps, tant la ville d'Istanbul inspire depuis toujours les poètes et les compositeurs...
Gisèle Durero Köseoğlu