Dans tous les médias, les mêmes phrases où « Israël » est affilié à « génocide ». (un article de Clara Marque)
Tel a été l'écho médiatique de la décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) rendue le 26 janvier, qui ordonne à Israël de « prendre toutes les mesures raisonnables en son pouvoir pour prévenir le génocide ». Une réaction écourtée, immédiatement suivie par la polémique autour de l'UNRWA lancée par Israël le jour même. Selon Israël, l'organisation aurait collaboré avec le Hamas le 7 octobre. Cette diffamation qui touche l'agence onusienne réussit à détourner toutes les attentions en moins de 24h. Ces accusations ne déguisent-elles pas une stratégie sioniste globale visant à détruire l'organe de l'ONU ?
à€ La Haye, la sentence des juges était attendue par toute la communauté internationale. La Cour a accepté la validité de la plainte de l'Afrique du Sud selon laquelle Israël viole ses obligations en tant que partie à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, déclarant les allégations portées par les juges sud-africains « plausibles ». En conséquence, elle a ordonné à Israël d'appliquer une série de mesures conservatoires afin de prévenir le crime de génocide contre les Palestiniens de la bande de Gaza. Une victoire symbolique, qui souligne qu'il importe que la puissance occupante facilite la délivrance d'aide humanitaire dans un contexte de crise et de famine. La CIJ a corroboré les faits avancés par l'Afrique du Sud, et devait envoyer un message diplomatique fort à l'État coupable des meurtres de masse à Gaza.
La Cour court-circuitée ?
Le même jour, le 26 janvier, Israël accuse l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens dans le Proche-Orient, l'UNRWA, affirmant que 12 de ses 13 000 employés auraient été impliqués dans les attaques du Hamas le 7 octobre 2023. Un réquisitoire construit sur un document établi par les services secrets israéliens, que la chaîne d'information britannique Sky News estime « n'étant étayé d'aucune preuve ».
Un document dépourvu d'exactitude, qui a tout de même été à l'origine du gel des donations à l'organisation par 16 pays : les États-Unis, l'Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni, ou d'autres tels que la France qui songent à suspendre leur versement au prochain trimestre. Tous ces États, anciennes puissances coloniales, s'alignent derrière les allégations d'Israël. L'abandon de l'organisation de l'ONU pour les réfugiés palestiniens par l'Occident risque d'avoir de lourdes répercussions sur ses activités, dont certaines opérations pourraient être mises en péril dès « fin février », a-t-elle annoncé.
Pourtant, cette agence des Nations Unies, créée au lendemain de la Nakba en 1948, constitue une aide vitale pour tous les réfugiés de Palestine. Une institution qui a su prendre en charge plus de 800 000 Palestiniens chassés de leurs terres à la création de l'État hébreu et qui, pendant 75 ans, n'a cessé d'apporter un soutien humanitaire, sanitaire, éducatif et des services sociaux à près de 6 millions de Palestiniens réfugiés dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Syrie et en Jordanie.
Pourquoi cette attaque contre l'UNRWA survient-elle maintenant ? Il s'avère évident qu'Israël disposait de ces informations en amont, et prévoyait de porter ces allégations contre l'agence pour les dévoiler et détourner l'attention un jour de crise : le jour de la CIJ. Il semblerait qu'à travers cette accusation, Tel Aviv ait violé l'ordonnance de la CIJ dès le premier jour : parmi les mesures conservatoires, Israël doit faciliter l'accès humanitaire à Gaza. Or cette aide aux civils palestiniens s'incarne dans les services de l'UNRWA, pilier central du système humanitaire dans l'enclave. Alors qu'il incombe à Israël de faciliter l'aide humanitaire, Israël est en train de la détruire.
Philippe Lazzarini, commissaire général de l'UNRWA, considère qu'en plus de détourner l'attention médiatique, de préserver l'opinion publique et de déresponsabiliser Israël de ses actes, cette manœuvre est une « campagne étendue pour détruire [l'organisation] ». Gêné par l'existence d'une structure qui tente de faire survivre des milliers de Palestiniens, Israël chercherait aussi, à long terme, à détruire cette agence. Un plan stratégique pour le sionisme : effacer l'UNRWA reviendrait à mettre aux oubliettes le statut de réfugié qu'elle donne aux descendants des Palestiniens chassés en 1948, et ainsi, le droit au retour. Ce droit au retour, établi en 1949 par la résolution 194 de l'Assemblée générale des Nations unies, stipule que les plus de 800 000 Palestiniens déplacés de force par les milices sionistes puis l'armée israélienne en 1948, ainsi que leurs descendants, doivent pouvoir rentrer sur leurs terres. Cette revendication palestinienne résonne jusque dans la décision de la CIJ : « Israël [...] doit satisfaire à ses obligations de réparation en faveur des victimes palestiniennes, notamment, mais pas seulement, en permettant le retour dans leurs foyers, en toute sécurité et dans la dignité, des Palestiniens déplacés de force ou enlevés ».
La volonté de retour des Palestiniens sur leurs terres, incarnée dans le symbole de la clé, est bien trop ancrée pour être effacée par une tactique politique...
Clara Marque