On parle peu ces temps-ci de ce petit pays des Balkans de l'Ouest, d'un peu plus de 600 000 habitants pour une superficie de 13 812 km2.
Le Monténégro, connu aussi sous le nom de Crna Gà³ra (la Montagne noire), prend ses racines historiques depuis l'Antiquité, tout comme la plupart des pays de la région. Faisant partie dès le IIIe siècle avant notre ère de l'Illyrie, il est rattaché en 395 ap. J. -C. à l'Empire romain d'Orient, ce qui l'associera d'emblée à l'histoire de Byzance durant cette période et en fera, après la prise de Constantinople en 1453, une possession de l'Empire ottoman de 1499 jusqu'au XIXe siècle.
Ce petit pays fut donc reconnu comme indépendant par la Sublime Porte à compter de 1799, puis comme principauté à compter de 1851 et comme royaume de 1878 à 1918.
Ainsi, même si Crna Gà³ra se situe dans l'ensemble des Slaves du Sud et est toute proche de la Serbie voisine, ce petit État bordant la mer Adriatique a bien là une histoire spécifique.
Avec la fin de la Première Guerre mondiale, le Monténégro se retrouva naturellement associé au grand projet de rassemblement des peuples slaves du Sud. Le pays fit donc partie intégrante de l'État des Serbes, Croates et Slovènes qui devint le Royaume de Yougoslavie puis, après 1945, la fédération yougoslave, cet État non aligné dirigé par le maréchal Tito jusqu'en 1980.
Emporté comme toute la région par la terrible guerre de dissolution de la Yougoslavie de 1991 à 2000, le Monténégro devait former en 2002 un ultime État fédéral avec la Serbie. Mais le temps du retour des indépendances nationales était bien là , et c'est avec 55,5 % des voix que le 21 mai 2006, le Monténégro redevint, après presque un siècle, un État indépendant. Podgorica, anciennement Titograd, en restait la capitale, même si un retour à l'ancienne capitale royale de Cetinje tendait à rencontrer les souhaits populaires.
De son cà´té, le 5 juin, la Serbie devait proclamer son indépendance comme État successeur de l'Union serbo-monténégrine, reconnaissant ainsi de fait l'indépendance de Crna Gà³ra. L'ensemble de la communauté internationale devait reconnaitre le nouvel État, y compris la Fédération de Russie courant juin 2006.
Puis ce fut le temps de l'entrée dans les organisations internationales avec l'intégration au sein de l'OSCE le 22 juin 2006 en tant que 56e État membre, puis comme 192e État membre de l'ONU le 28 juin de la même année.
Se déroulera ensuite le même scénario que pour tous les pays souhaitant se rapprocher de l'Occident, à savoir la signature, le 17 mars 2007, d'un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne. Le 15 décembre 2008, le Monténégro devient officiellement candidat pour intégrer l'UE, ce qui est toujours le cas en 2024.
Enfin, c'est le tour du rattachement à la protection militaire occidentale avec une candidature officielle à son entrée dans l'OTAN le 17 décembre 2010, qui devient effective le 5 juin 2017 après quelques troubles intérieurs liés à un passé global en considération duquel rejoindre l'ancien adversaire de la guerre froide pouvait être délicat à envisager ‒ ce qui fut le cas ailleurs durant la même période ou presque, comme en Bulgarie par exemple.
Où en sommes-nous en début d'année 2024 avec le Monténégro ? Nous avons vu esquissé ici l'histoire d'un petit État indépendant avec son identité propre et qui, comme bien d'autres dans la région, fut balloté par les vicissitudes des troubles des XIXe et XXe siècles.
La carte des élargissements à l'UE et à l'OTAN dans la région suit la même évolution, si ce n'est que l'entrée dans l'alliance militaire occidentale est évidemment plus rapide, et celle à l'UE est plus complexe puisque législative et économique, ce que tout le monde comprendra.
Seul les cas de la Serbie et du Kosovo restent, à cette heure, incertains, et c'est sans doute là que devront dans les années qui viennent se concentrer les efforts des diplomates.
Gageons que le jeune président élu le 2 avril 2023 à la tête de l'État du Monténégro, l'économiste Jakov Milatović, issu comme son premier ministre d'un parti centriste et europhile, le PES! (Pokret Evropa sad!, c'est-à -dire « Europe maintenant ! »), pourra contribuer à un avenir apaisé de la région.
Dr Olivier Buirette