Rencontre avec une descendante des Paléologues

​Les événements littéraires donnent souvent lieu à d’intéressantes rencontres. C’est ainsi qu’en octobre, au Festival du Livre de Mouans-Sartoux, j’ai eu le plaisir de faire connaissance avec une dame, qui, alors que je lui disais que je venais d’écrire un roman sur les Lascaris, m’annonce qu’elle n’est autre qu’une descendante des Paléologues : Elizabeth Varenne-Deloupy, résidant à Nice !

Par Gisèle Durero Köseoğlu
Publié en Avril 2024

Pour rappel, la célèbre famille byzantine des Paléologues occupa le trône de Byzance entre 1261 et 1453. En effet, après qu’en 1204, les croisés de la quatrième croisade se soient emparés de Constantinople et y aient instauré l’Empire latin, Théodore Lascaris partit fonder l’Empire de Nicée dont il fut le premier empereur. Le quatrième souverain, Michel Paléologue, reprit Constantinople en 1261 et chassa les Latins. Les Paléologues adoptèrent alors la croix « tétragrammatique », avec les quatre « B » symbolisant la devise « Roi des Rois régnant sur les rois », et l’emblème de l’aigle bicéphale. En outre, au XVe siècle, c’est par le mariage de Zoé Paléologue, rebaptisée « Sophie », avec le tzar Ivan III, que la Russie choisit l’aigle à deux têtes comme symbole national. La dynastie régna sur l’Empire byzantin jusqu’à la mort du dernier empereur, Constantin XI, le 29 mai 1453, lors de la prise de la ville par Mehmet le Conquérant. Ensuite, le reste de la famille se dispersa essentiellement dans le Montferrat en Italie, en Albanie, en Russie et en Roumanie.

De Bucarest, Alexandre Paléologue vint s’établir en France au XIXe siècle et y épousa, en 1851, la riche héritière belge Frédérique de Ridder, avec laquelle il eut quatre enfants, trois filles, Élise, Marie et Zinka, et un fils, Maurice, qui fut le dernier ambassadeur de France dans la Russie tzariste. Zinka (1857-1924), parfois désignée par son premier prénom de « Zoé », se maria avec André Lebon (1859-1938), homme d’affaires, ministre et administrateur de banques, fils du fondateur de la « Compagnie centrale d’Éclairage par le gaz ». C’est de cette branche roumaine que descend Elizabeth Varenne-Deloupy, l’arrière-petite fille de Zinka Paléologue ; une dame très sympathique qui a volontiers répondu à mes questions lorsque je l’ai retrouvée quelques jours plus tard dans un café de Nice pour l’interviewer.

A-t-elle effectué des recherches sur sa généalogie ? Tout d’abord, elle me montre un document réalisé en 1876, qui reconstitue l’arbre généalogique des Paléologues et m’explique le détail des cinq plus récentes générations. Plusieurs personnes de son entourage ont consacré beaucoup de temps à analyser la lignée afin d’établir avec certitude leur filiation. Elle se rendra d’ailleurs en Roumanie en mai 2024, pour découvrir enfin la terre natale d’Alexandre Paléologue et espère y rencontrer certains descendants du frère de ce dernier, Jean, dont le fils, Barbos, fut un moment proposé par la presse d’Athènes au trône royal de Grèce.

Je lui demande alors si on lui a raconté des anecdotes concernant sa parenté. Jusqu’à la moitié du XIXe siècle, les hommes, dont son aïeul Alexandre, portaient le titre de « Prince Paléologue » et l’on choisissait pour les enfants des prénoms historiques. Son arrière-grand-mère, Zinka, née à Paris, l’une des premières filles à étudier à la Sorbonne, possédait une énorme dot lors de son mariage avec André Lebon. À Paris, ils fréquentaient le salon de la princesse Mathilde ou de Pauline Viardot, ainsi que des intellectuels comme Taine, Michelet ou Renan. Au XXe siècle, la mère d’Elizabeth devait encore faire la révérence pour saluer et l’on se vouvoyait encore entre sexes opposés. En ce qui concerne les objets de famille, sa grand-mère possédait une icône très ancienne et un plat d’orfèvrerie aux armoiries des Paléologues dont elle-même n’a pas hérité, le patrimoine s’étant dilué au fil des générations…

Elle possède néanmoins des archives et me montre une photographie d’époque représentant les quatre enfants d’Alexandre Paléologue et de Frédérique de Ridder, tous revêtus d’une tenue ressemblante, un manteau gansé de fourrure et une toque à aigrette de plume, dont son arrière-grand-mère Zinka, la cadette des filles.

Finalement, je lui demande quel sentiment on éprouve à l’idée d’être la descendante d’une aussi prestigieuse maison ; elle reconnaît « une certaine fierté », transmise par sa mère et sa grand-mère. Et d’ailleurs, son souhait serait désormais d’utiliser les documents en sa possession pour écrire un livre racontant l’histoire de sa famille…