Ancien département français, l'Algérie fut de 1954 à 1962 le théà¢tre d'une guerre qui s'inscrivait dans un mouvement général de décolonisation qui affecta les empires occidentaux après la seconde guerre mondiale. (un article de Hannah Berthomé)
Stéphane Aubouard, pour Marianne, en compagnie de l'invité Xavier Driencourt, revient sur les spécificités algériennes des relations diplomatiques avec la France, qui restent impactées par le passé commun des deux pays.
Dans une série de podcasts intitulée Le retour des empires, le journal Marianne invite deux fois par mois un spécialiste. à€ l'ordre du jour : l'actualité de l'Afrique et des BRICS. Dans l'un des épisodes du mois de septembre, c'est au tour de Xavier Driencourt de partager son expertise sur les relations diplomatiques franco-algériennes. Ambassadeur de France en Algérie à deux reprises (de 2008 à 2012 puis de 2017 à 2020), ce dernier a connu l'Algérie sous Abdelaziz Bouteflika, puis sous Abdelmadjid Tebboune. Fin connaisseur de l'ancien département français, il estime que les relations diplomatiques franco-algériennes sont tellement particulières que l'ambassadeur français en Algérie se doit d'exercer un rà´le de politique intérieure française en plus de son rà´le diplomatique.
Le pari raté d'Emmanuel Macron
Emmanuel Macron arbore un statut particulier à l'international. Il est jeune, issu d'une nouvelle génération de politiques, et a peu vécu en diplomatie comparé à ses voisins. Sa fougue caractéristique d'envies nouvelles pour les relations diplomatiques de la France ne plaît pas à tout le monde et le décalage intergénérationnel peut s'avérer nocif. C'est ce qui s'est passé avec l'Algérie. Plein d'envies pour l'avenir des deux pays, Emmanuel Macron avait parié sur ce pays. Son comportement a été mal perçu et a porté préjudice à l'éternelle relation amour/haine entre la France et l'Algérie. En effet, l'Algérie a eu l'impression de recevoir des leçons de la part du président français, notamment sur les questions de moyens de gouvernance, ou encore sur la gestion du Sahel.
Un besoin de repentance
La question de l'histoire franco-algérienne est encore douloureuse et créatrice de tensions entre les deux pays. Il est nécessaire d'exercer un devoir de mémoire constant. La France se force à cet exercice depuis maintenant plusieurs années, mais cela reste souvent perçu comme de l'ordre de l'instrumentalisation par les Algériens. Xavier Driencourt estime en effet qu'il y a une différence entre la reconnaissance de l'histoire et la repentance. La France aurait effectué son devoir de reconnaissance de l'Histoire, mais aurait encore du chemin à parcourir vis-à -vis de sa repentance envers le peuple algérien. Le rà´le de l'ambassadeur français en Algérie n'est pas à négliger dans ce domaine. En effet, les ressentiments de l'Algérie envers la France influencent directement les relations diplomatiques. Lorsque Xavier Driencourt était ambassadeur, il a envisagé plusieurs solutions mais qui nécessitent également un effort de la part des Algériens. Par exemple, concernant les visas. Il avait proposé l'idée que les Pieds-noirs puissent se rendre en Algérie sans visa, afin de retrouver leur foyer originel et revoir le pays. Cependant, l'accord franco-algérien de 1968 qui visait à réguler les circulations entre la France et l'Algérie engendre toujours des complications aujourd'hui.
Le Maroc, tache sombre sur le tableau
Comme Xavier Driencourt le résume bien, lorsque la France entretient de bonnes relations avec le Maroc, l'Algérie se fà¢che ; et lorsque les relations franco-marocaines se dégradent, l'Algérie fait des cà¢lins à Paris. Le Maroc est en effet source de crispations continues entre la France et l'Algérie, et influence directement les relations diplomatiques des deux pays. Ainsi, depuis que les relations franco-marocaines se sont nettement dégradées ces derniers mois et qu'il n'y a plus d'ambassadeur marocain à Paris, l'Algérie se réjouit. Le dossier du Sahara constitue le point de crispation principal.
C'est ainsi que l'Algérie, en tant qu'ancien département français, nécessite de la part de l'ambassadeur français une approche adéquate à la situation. Celui-ci ne doit pas considérer l'Algérie comme un simple voisin de l'autre cà´té de la Méditerranée, mais bel et bien comme une ancienne partie de la France dont plusieurs millions de ressortissants vivent dans l'Hexagone, et vis-à -vis de laquelle la France éprouve encore des remords.
Hannah Berthomé