M. Olivier Gauvin : Très peu de pays dans le monde entretiennent cinq siècles de relations d’une telle intensité

Le 9 novembre dernier, Aujourd’hui la Turquie a eu l’honneur et le plaisir de recevoir au sein de sa rédaction Monsieur Olivier Gauvin, Consul Général de France à Istanbul. Une visite qui nous a permis de nous entretenir longuement et amicalement avec celui-ci.
Par Dr. Hüseyin Latif
Publié en Janvier 2023

Le 9 novembre dernier, Aujourd’hui la Turquie a eu l’honneur et le plaisir de recevoir au sein de sa rédaction Monsieur Olivier Gauvin, Consul Général de France à Istanbul. Une visite qui nous a permis de nous entretenir longuement et amicalement avec celui-ci.

Vous êtes Consul Général de France à Istanbul. Pouvez-vous nous parler des liens franco-turcs ? Comment les qualifieriez-vous actuellement ?

Selon moi, trois grands points font la beauté, l’importance et la rareté des liens franco-turcs : leur profondeur, leur continuité et leur diversité. La profondeur est évidemment de nature historique : très peu de pays dans le monde entretiennent cinq siècles de relations d’une telle intensité. Bien sûr, dans toute l’histoire des relations internationales, il y a eu des changements d’alliances. Mais on peut souligner la continuité des liens. Il me suffit d’aller au Palais de France regarder les portraits d’ambassadeurs français, comme celui du comte de Vergennes qui a passé 13 ans ici. Je me dis alors que cette profondeur et ce recul, la France ne les partage qu’avec très peu de pays dans le monde. C’est quelque chose de quasiment unique, et en tout cas de très rare et précieux. Ensuite, il y a ce que j’appelle la diversité. Ce qui me frappe depuis deux ans, c’est la diversification de mon agenda : j’ai des rendez-vous sur des sujets économiques, culturels, commerciaux, artistiques, des rencontres avec des journalistes, des écrivains… Je suis sollicité et concerné par tous les domaines. Car les liens entre la France et la Turquie sont d’une diversité inouïe.

Que pouvez-vous nous dire des échanges commerciaux et de leur évolution ces dernières années ?

La Turquie est pour la France un partenaire essentiel d’un point de vue commercial, et la réciproque est vraie parce que la Turquie, sur ce plan, est essentiellement tournée vers l’Europe. Les échanges commerciaux se chiffrent à peu près à 17 milliards d’euros pour l’année qui vient de s’écouler, ce qui représente une progression par rapport aux années précédant 2020 ‒ même si ces chiffres sont un peu biaisés en raison de la pandémie. On peut espérer que ce mouvement progresse malgré la conjoncture internationale actuelle. Évidemment, nos deux pays espèrent atteindre l’objectif symbolique des vingt milliards d’euros !

À ce propos, comment avez-vous vécu votre prise de poste en pleine pandémie ?

C’était bien sûr une réelle contrainte. Diplomate, et tout particulièrement Consul général, est un métier de contact, de représentation et d’échange, donc difficile à exercer dans un contexte où l’on porte un masque et où l’on ne peut faire de réunions de groupe. Par contre, j’ai eu l’opportunité de créer des contacts plus approfondis. Car au lieu de rencontrer des personnes par groupes dans des réceptions, je les rencontrais en tête à tête. C’est d’ailleurs ainsi que j’ai rencontré le Dr Latif. Donc paradoxalement, cet avantage a tempéré l’inconvénient : moins de contact au niveau volume de rencontres, mais plus de qualité dans l’échange.

Y a-t-il des secteurs touchés par la guerre en Ukraine ?

Dans le cadre de ce conflit, la Turquie, par sa position géostratégique, est évidemment un acteur incontournable sur la scène internationale. Je pense ici à son rôle important dans l’accord sur le transit des céréales, qui est essentiel dans le contexte de crise alimentaire. La Turquie entretient aussi un dialogue constant avec la Russie, tout en restant un partenaire incontournable de l’Europe et de la France. France et Turquie échangent d’ailleurs très régulièrement, continuellement même, sur ces sujets.

Quelle est l’importance de la communauté française en Turquie, notamment dans votre circonscription ?

La communauté française est relativement importante. Sur l’ensemble de la Turquie, elle représente 13 000 personnes dont 8 000 personnes dans notre circonscription consulaire. Parmi ces 8 000 personnes, 5 000 environ vivent à Istanbul.  Cette communauté est composée très majoritairement de binationaux. C’est pour moi très positif parce que ces personnes établissent elles-mêmes des ponts entre les deux pays : ce sont des relais importants, de réels ambassadeurs de la relation bilatérale. Et c’est fantastique au niveau des relations humaines : deux cultures, deux nationalités, deux langues… Pendant ces cinq siècles d’histoire, ce sont des générations de Français et de Turcs qui se sont rencontrés et mêlés. Ces liens et cette imbrication humaine sont extrêmement forts et riches.

Pouvez-vous nous parler des dispositifs de support pour les compagnies turques qui investissent en France ?

La France soutient effectivement les compagnies turques qui investissent en France. L’agence Business France est l’interlocuteur principal de ces compagnies. C’est aussi la vocation de la Chambre de Commerce et d’Industrie France-Turquie (CCIFT), qui est d’ailleurs historiquement l’une des plus anciennes chambres de commerce françaises à l’étranger. Je conseille aux entrepreneurs de s’adresser à ces deux instances, ou même de devenir membre de la CCIFT.

Aviez-vous un intérêt particulier pour le monde turc avant d’arriver ici ?

Je suis arrivé ici un peu par ricochets. J’ai été en poste en Iran à deux reprises, et j’ai beaucoup travaillé sur le Moyen-Orient. Pour aborder globalement la géopolitique de la région, j’ai forcément étudié l’Empire Ottoman et l’histoire de la Turquie moderne. D’ailleurs, j’adore l’Histoire de manière générale, et un diplomate surtout ne peut s’intéresser à l’Histoire sans aborder et comprendre la Turquie et sa place géostratégique absolument unique.

Quelle a été votre première pensée lorsque vous avez appris votre mutation à Istanbul ?

D’emblée, je m’en suis réjoui. Je me suis aussitôt procuré une méthode d’apprentissage de la langue turque. J’ai pu assimiler pas mal de choses avant mon départ mais malheureusement, en arrivant ici, j’ai eu tellement de travail que je n’ai pas pu progresser.

Mais pour revenir au sujet, j’étais extrêmement heureux d’être affecté au poste d’Istanbul. Pour vous décrire mon état d’esprit, j’avais un peu l’impression de voyager dans un livre d’Histoire, presque de mythologie. Parce qu’Istanbul est une ville mythique, et mes attentes n’ont pas été déçues : elle déploie une vie permanente qui fait que l’on est tous les jours surpris. Toujours des choses et des rencontres inattendues…

Pour les fêtes de fin d’année, souhaitez-vous transmettre vos vœux et vos messages pour les Français habitant en Turquie et pour les Turcs ?

Le message que j’aimerais transmettre, c’est d’abord un message d’optimisme et d’espoir parce que l’on est enfin sorti ‒ du moins je l’espère ‒ de cette pandémie qui a bouleversé nos vies. Ensuite, j’aimerais évoquer la crise internationale que nous traversons, à la fois militaire, économique, énergétique et alimentaire. Dans ce contexte, je souhaiterais émettre des vœux d’espoir pour l’amélioration de la conjoncture internationale à laquelle nous pouvons tous contribuer, la France et la Turquie parmi les autres nations.

Tels sont les deux messages principaux que je formulerai pour l’année qui vient. Tout particulièrement, je souhaite vivement que nos deux communautés continuent à œuvrer pour renforcer ces liens si forts dont j’ai parlé lors de notre entretien. Si on dit qu’Istanb