Pendant l'ère Obama fut publié un document de politique étrangère intitulé « America's Pacific Century » dirigé contre la Chine. à€ l'ère Trump débuta le retrait d'Afghanistan, en continuation de l'ère Obama, tandis que les opérations de guerre au Moyen-Orient se poursuivaient avec des sous-traitants. La Chine fut déclarée « concurrent stratégique provocateur ». Aux États-Unis s'élevèrent les « murs douaniers » aux cris de « America First ». Une guerre commerciale avec la Chine se déclencha, tandis que la stratégie Asie-Pacifique (Indo-Pacifique) fut adoptée contre ce pays. Il fut décidé de former des fronts en tant qu'impératifs stratégiques.
L'ère Biden fit la synthèse de ces deux stratégies, s'inscrivant donc dans la continuation des ères Obama et Trump : Biden finalisa le retrait d'Afghanistan, et la guerre commerciale avec la Chine se poursuivit. Des fronts s'ouvrirent contre la Russie et la Chine. Enfin, les documents des États-Unis et de l'OTAN désignèrent la Chine comme le principal concurrent à prendre en considération.
Fidèles en cela à la stratégie de leurs trois derniers présidents, pas à pas, les États-Unis ciblent la Chine, essayent de la contenir dans sa région, créent un réseau d'alliés contre la Chine...
Et enfin, selon la stratégie de synthèse mise en œuvre par ces trois présidents, il est préconisé de mettre tous les moyens en faveur des groupes « favorables à la guerre active ».
Parmi ceux qui prétendent que le niveau de dissuasion conventionnelle et nucléaire des États-Unis contre la Chine a régressé, la plupart affirment que la guerre en Ukraine est une « préparation » pour les États-Unis, et que la principale et « très longue guerre » sera avec la Chine.
Les États-Unis sont inquiets, car ils savent qu'à mesure que grandit la puissance économique de la Chine, leur propre modèle d'exploitation s'affaiblira davantage. Ils craignent de voir la voie de la Chine devenir une alternative à la leur. Ils considèrent donc le Parti communiste chinois comme une « menace centrale » et commentent le 20e Congrès du Parti communiste chinois en tant que « retour de la Chine rouge ». Pendant ce temps, la Chine proclame haut et fort : « Nous ne recherchons pas l'hégémonie ».
Sur ces entrefaites, une aile de l'État aux États-Unis est en faveur d'un règlement immédiat avec « l'ennemi principal », la Chine, tandis que l'autre groupe est d'avis de temporiser quelque peu.
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Nous disions donc que les États-Unis, en menaçant la Chine, essaient à ce stade de rassembler davantage d'alliés. Venons-en à sa politique vis-à -vis de la Turquie.
Lors de la réunion « Force d'intervention en Méditerranée et au Moyen-Orient » de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, le vice-ministre grec des Affaires étrangères, Miltiadis Varvitsiotis, a accusé la Turquie, qui ne participe pas aux sanctions contre la Russie, de réaliser des « gains économiques particuliers ». Et il ajouta : « La Turquie gagne de l'argent tandis que la Grèce et d'autres pays souffrent et perdent des recettes. »
Les propos du vice-ministre grec Varvitsiotis rappellent l'attitude de certains dissidents en Turquie. Lorsque Poutine déclara : « Nous pouvons établir une grande plaque tournante en Turquie pour les expéditions de gaz vers l'Europe », certains opposants interprétèrent cela comme un soutien de Poutine au gouvernement actuel. Ce qui est intéressant, c'est que ceux qui voient en la déclaration de Poutine un apport à l'AKP lors des élections, continuent à prà´ner « l'occidentalisme »...
Une évaluation intermédiaire pour la Turquie soulève, du moins actuellement, quelques questions : n'est-il pas contraire aux nouvelles réalités du monde que l'opposition en Turquie recherche toujours un avantage électoral uniquement auprès des capitales américaine et britannique ?
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En fait, d'autres pensent que la situation a causé des dommages unilatéraux au sein de l'alliance occidentale. C'est pourquoi l'Allemagne et la France se lancent dans une mobilisation diplomatique.
Pour cette raison, l'Allemagne en particulier tente de sortir de ce tourbillon dans lequel les États-Unis ont mis l'UE, et de compenser ses pertes en Russie en développant la coopération avec la Chine. Ce faisant, elle essuie d'importantes réactions dans le camp atlantique.
Du reste, le chancelier allemand Olaf Scholz, écartant la France, cherche dans la capitale chinoise compensation aux politiques américaines qui ont causé des pertes économiques à son pays.
Les économies européennes sont en régression, une plus grande crise énergétique est à nos portes. à€ tel point que les responsables de la Commission Européenne à Bruxelles ont abaissé les prévisions de croissance de la zone euro de 1,4 % à 0,3 % pour 2023, relevé les prévisions d'inflation et émis une alerte à la récession. En résumé, l'Europe continuera de perdre et de souffrir à cause des sanctions contre la Russie.
Pendant ce temps, les membres de l'Union européenne autres que la Grèce souffrent également de pertes multiples. à€ la fois à cause des sanctions contre la Russie, comme l'a déclaré Varvitsiotis, mais aussi à cause de la relation spéciale qu'ils entretiennent avec les États-Unis, propriétaires de ces mesures coercitives.
à€ la faveur de cette situation, les États-Unis ont commencé à placer des armes nucléaires et des troupes dans de nombreuses régions d'Europe, et à accroître unilatéralement leurs échanges avec eux.
En résumé, l'Union européenne perd son avenir, comme elle a perdu son présent.
Dr. Hüseyin Latif