La 28e Conférence des Parties (COP) s'est réunie à Dubaï, aux Émirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre 2023. (un article de Hannah Berthomé)
La COP réunit les représentants des pays signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). En tant que forums de construction de règles communes, les COP permettent de maintenir une certaine pression sur les États dans leur lutte contre le changement climatique et pour la préservation de la biodiversité. Cependant, se tenant au royaume des pétrodollars, la COP 28 a soulevé bien des interrogations.
La COP 28 au paradis du pétrole
Une conférence internationale organisée dans un pays qui semble a priori ne pas sentir concerné par les défis climatiques auxquels la planète fait face, semble relever de l'ironie. C'est en effet le discours tenu par les ONG environnementales : « Cette COP est une mascarade, elle pourrait nous enfermer à jamais dans les énergies fossiles ! », s'indignait Yamina Saheb, docteure en énergétique et auteure au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
En effet, Dubaï enchaîne les fautes environnementales : la mégalopole a été désignée il y a une dizaine d'années comme la ville ayant la pire empreinte carbone du monde : trois millions d'habitants vivent en plein désert grà¢ce à la clim, des projets urbains fous ne cessent d'être inventés (plus haute tour du monde, plus grands centres commerciaux du monde, piste de ski couverte, projet d'une rue où il pleut toute l'année...).
Par ailleurs, c'est le sultan Al-Jaber qui a été choisi pour présider cette COP. Il est à la fois PDG d'une compagnie pétrolière (l'ADNOC, la principale compagnie du pays disposant de la quatrième réserve de pétrole du monde), et ministre de l'Industrie des Émirats. C'est ainsi l'un des hommes les plus influents dans l'industrie pétrolière qui allait présider les débats sur la protection de l'environnement, et il était certain que l'avenir des industries fossiles allait occuper une grande place dans les discussions. Le conflit d'intérêts était dès lors évident. La BBC a par ailleurs publié 150 pages de documents pour révéler que Al-Jaber profiterait de cette mission pour promouvoir les intérêts pétroliers des Émirats arabes unis.
Un pays qui se projette dans l'après-pétrole
Le sultan Al-Jaber défend son rà´le de président de la COP à travers une autre casquette qu'il porte : il est également le président de Masdar, une société nationale émiratie ayant de grands projets écologiques. L'entreprise a notamment pour objectif de construire Masdar City, une ville entièrement verte qui devrait accueillir 50 000 habitants et 1 500 entreprises sans émettre de gaz à effet de serre. La ville fonctionnera à l'énergie solaire, avec une stratégie zéro déchet, ou encore des transports bas carbone. Les Émirats prévoient par ailleurs d'investir 50 milliards de dollars dans les énergies renouvelables. C'est ainsi que malgré son industrie pétrolière, le pays a défendu sa position de terrain d'accueil de la COP avec sa projection dans l'après-pétrole et son investissement massif dans des projets futuristes « verts ».
Une COP marquée par un renoncement à écarter définitivement les énergies fossiles
Malgré les débats autour de l'organisation de cette COP, l'événement a accueilli plusieurs figures importantes, dont le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Des personnalités religieuses ont également participé au débat : le grand imam Ahmed Al Tayeb, ou encore le rabbin écologiste David Rosen. Bien évidemment, le président français Emmanuel Macron s'est aussi rendu aux Émirats lors du premier week-end afin de réaffirmer l'engagement de la France pour tenir les objectifs de l'Accord de Paris.
Ce que l'on peut retenir de cette COP : tout d'abord, l'idée d'un fonds destiné à compenser les « pertes et dommages » des pays vulnérables face aux conséquences climatiques, a été entérinée. Par ailleurs, les pays continuent d'appeler à la réduction de la consommation et de la production des énergies fossiles, mais ne comptent pas en sortir de sità´t. En effet, l'objectif est davantage de trouver des compromis face aux blocages des pays producteurs et exportateurs de pétrole. Dans le projet de texte définitif, les solutions technologiques sont également mises en avant par la présidence émiratie. De nombreux pays du sud, ainsi que l'Union européenne, ont peiné à valider les conclusions du document final qui semblait être l'œuvre de l'OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) seulement. Cependant, le 13 décembre donc avec 24 heures de retard, les près de 200 pays du monde réunis à Dubaï pour la COP28 ont finalement adopté un accord-compromis, dont le point le plus remarquable restera sans doute la mention explicite sur une sortie progressive des énergies fossiles.
Hannah Berthomé