Serhan Bali, figure incontournable de la musique classique en Turquie

Serhan Bali naît en 1973 à Ankara. Sa famille s’installe ensuite à Istanbul, où il choisit d’étudier les sciences politiques et les relations internationales. (un article de Hannah Berthomé)

Par Aujourd’hui la Turquie
Publié en Mars 2024

Une fois diplômé, sa famille l’incite à travailler pour l’entreprise familiale. Mais durant son adolescence, une passion était née : celle de la musique classique. Conscient de ses capacités, il se lance en créant le seul magazine turc consacré à la musique classique : Andante. Il s’investit corps et âme et multiplie alors les projets, tous liés à la musique. Pour Aujourd’hui La Turquie, il revient sur son inspirant parcours et ses diverses activités.

Pouvez-vous tout d’abord revenir sur votre parcours de vie et expliquer comment vous êtes tombé dans la musique ?

Je suis né à Ankara en 1973, et ma famille et moi avons déménagé à Istanbul lorsque j’avais 11 ans. J’ai donc passé presque toute ma vie là-bas. J’ai étudié les sciences politiques et les relations internationales à l’université d’Istanbul. Après mon diplôme, je n’ai pas pu résister à la pression familiale, et j’ai dû travailler pendant sept ans pour notre entreprise de meubles et de construction. Pendant que j’y travaillais, j’ai découvert peu à peu le monde de la musique classique. Depuis l’âge de mes seize ans environ, j’avais un intérêt pour la musique, mais un intérêt très diversifié : cela allait du métal à Tina Turner. Petit à petit, notamment à partir de ma première année d’études, je me suis de plus en plus tourné vers la musique classique.

Ma passion pour la musique n’a fait que s’intensifier : je récupérais par exemple des magazines de musique de seconde main en anglais dans les librairies pour les lire. En 2001, j’ai décidé de commencer une émission radio pour Açık Radyo. Cela a ouvert un nouveau chapitre dans ma vie : je me suis fait de nouveaux amis, j’ai rencontré des personnes du monde de la musique. J’ai alors compris que je ne devais pas rester à travailler seulement dans l’entreprise de ma famille. J’ai donc décidé de créer un magazine : Andante.

À l’époque où vous avez découvert le monde de la musique, jouiez-vous d’un instrument ?

J’ai joué du violon pendant environ un an et demi, et c’était bien assez ! Dans ma famille, personne ne côtoyait la musique classique de manière professionnelle. Et personne ne m’a emmené non plus à des concerts ou opéras. Ils n’auraient jamais pensé m’inscrire au conservatoire, tout simplement car l’entreprise familiale était pour eux primordiale.

Comment avez-vous eu l’idée de créer un magazine de musique ?

J’avais un très grand intérêt pour le milieu de la presse, particulièrement la presse musicale. Dès qu’une de mes connaissances partait à l’étranger, je lui demandais par exemple de me ramener un magazine de musique. J’avais ainsi remarqué qu’il y avait un manque, un vrai vide en Turquie dans ce domaine.

Je n’avais pas beaucoup de connexions à l’origine dans le milieu de la musique classique, mais une fois que le magazine a été lancé, mon milieu s’est élargi. J’ai beaucoup travaillé pendant quinze ans pour développer Andante. J’ai aussi eu de très bons amis sur qui j’ai pu compter.

Une fois l’entreprise familiale quittée, aviez-vous un autre travail à côté du magazine ?

Non, mon seul travail était Andante. Et c’est incroyable pour la Turquie, vu le peu d’ampleur de l’industrie de la musique classique. Bien sûr, il y a des conservatoires, des compagnies d’opéra, mais il n’y avait jusqu’alors aucune demande de presse écrite sur la musique. C’était quelque chose de complètement nouveau. J’ai créé ce besoin, notamment parmi les jeunes. J’ai travaillé dur pour susciter de l’intérêt pour la lecture. Par ailleurs, les musiciens étaient heureux lorsque des critiques positives étaient publiées.

Pendant quinze ans, j’ai donc consacré ma vie à ce magazine. En 2016, je suis ensuite entré au conservatoire pour trois ans. J’y ai obtenu un master en chant. Mon intention était d’apprendre à chanter, je savais que j’avais des aptitudes qu’il fallait développer.

Quelles ambitions aviez-vous par rapport au chant, et comment avez-vous développé vos activités parallèles ?

Mon ambition n’était pas du tout de devenir professionnel. Je souhaitais apprendre l’art de chanter : savoir utiliser mes muscles vocaux, respirer correctement. J’ai travaillé dur pendant trois ans, d’autant que j’étais déjà âgé.

J’ai donc à présent deux Ensembles pour lesquels je chante et j’organise des concerts : j’ai fondé Istanbul Opera Ensemble, ainsi que Istanbul Orient-Occident Ensemble, avec qui nous avons donné treize concerts l’année dernière. J’ai également pu faire des concerts en solo dans plusieurs villes de Turquie. Lors de mes concerts, je commence la plupart du temps avec un discours introductif pour donner des informations au public. Je multiplie donc à présent les casquettes : le magazine, la radio, le chant. En plus de cela, je produis une émission de télévision : Batıya Yolculuk. Dans chaque épisode, nous nous concentrons sur un compositeur occidental. Enfin, j’organise des voyages culturels et touristiques autour de la musique, depuis maintenant dix ans. Nous sommes par exemple allés au Metropolitan Opera de New-York. Tout est donc finalement lié à la musique classique !

Vous avez participé au projet de création de la playlist d’Atatürk avec l’intelligence artificielle. Quel a été votre rôle ?

J’étais l’un des conseillers dans ce projet qui a été rendu possible grâce à l’entreprise Şişecam, qui m’a proposé de travailler avec eux. Avec l’aide de l’intelligence artificielle, nous avons tenté de deviner quelles musiques Atatürk aimerait s’il était encore en vie. Ce projet est devenu populaire. Concrètement, j’ai essayé de les orienter et d’informer sur les goûts musicaux d’Atatürk. Nous avons voulu suivre les pas d’Atatürk au travers de la musique. La playlist était au final très diversifiée, il y avait même de la pop !

Quel est votre lien avec le concours de piano international Istanbul Orchestra’Sion ?

En tant que rédacteur et écrivain pour un magazine de musique, je me dois de les soutenir. Andante et le concours doivent coopérer davantage. J’espère que je pourrai être présent lors du concours, Andante fera dans tous les cas de son mieux pour couvrir l’événement. J’essayerai entre autres de consacrer une couverture au