Les populismes en Europe centrale et leur influence : le cas du retour au pouvoir de Robert Fico en Slovaquie en octobre 2023

​Le 25 octobre 2023, Robert Fico, qui avait déjà été Premier ministre de la petite République slovaque, devait revenir aux affaires à la tête d’une coalition populiste.

Par Dr. Olivier Buirette
Publié en Mars 2024

Au regard des victoires récentes tant en Europe centrale qu’en Europe occidentale de cette tendance populiste, on peut dans le cas slovaque se poser la question des conséquences de l’addition de ces États désormais dirigés par ce type de leader.

En effet, si les 10 ans cumulés de pouvoir du PIS en Pologne ont été relativisés par la victoire du centriste Donald Tusk, la Hongrie d’un Viktor Orban au pouvoir sans discontinuer depuis 2010 est à prendre en considération.

Certes, la faiblesse de l’Union européenne qui reste dépendante de l’OTAN en matière de défense, et le poids grandissant du conflit russo-ukrainien sont sans doute pour beaucoup dans ces évolutions dans la région.

La Slovaquie, pour sa part, fut dès 1918 intégrée dans l’aventure commune d’un État des Slaves de l’Europe centrale formé des vieilles provinces de Bohême-Moravie de l’ancien Empire Austro-Hongrois, plus celle de la Hongrie du Nord avec laquelle on va reformer une Slovaquie. Mais cela durera à peine deux décennies. En effet, le démembrement hitlérien provoqué par la crise des Sudètes et les accords de Munich en 1938 vont mener rapidement à la création d’un État slovaque indépendant et satellite du Reich, et à l’installation du régime clérico-fasciste de Monseigneur Tiso à Bratislava.

Il ne pouvait donc pas en être autrement que de voir la formation d’une nouvelle Tchécoslovaquie communiste suite à sa libération par l’Armée rouge en 1945, et tout ce qui s’ensuivit en tant que pays pleinement intégré dans le bloc de l’Est.

1968 et le Printemps de Prague resteront bien sûr à marquer d’une pierre blanche durant cette période ; mais il faudra attendre 1985 et l’arrivée des réformes de Gorbatchev à Moscou pour voir reprendre une bonne partie de la réforme du socialisme à visage humain de Dubcek.

La nouvelle Tchécoslovaquie post guerre froide n’aura duré qu’un temps, puisqu’en 1993 celle-ci éclate à nouveau, mais démocratiquement cette fois. Les deux pays vivront alors leurs adhésions à l’OTAN et à l’Union européenne de manière successive ; sur le plan politique globalement, une tendance plus libérale restant à Prague, et une plus conservatrice à Brastislava.

Qui est donc Robert Fico ? Né en 1964, Fico a fondé son parti, le SMER (Socialna Demokracia), le 8 novembre 1999 pour le mener plusieurs fois au pouvoir : de 2006 à 2010 puis de 2012 à 2018, et donc à présent depuis octobre 2023, à la tête cette fois-ci d’une coalition d’inspiration populiste qui le présente comme « pro-russe » et dont l’un des premiers signaux devait être l’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine. En effet, la partie occidentale de celle-ci, plus connue sous le nom de Ruthénie subcarpathique, est frontalière de la Slovaquie de même que de la grande ville de l’Ouest de l’Ukraine : Lviv.

On précisera que quelque temps auparavant, la République tchèque se dotait comme président de Petr Pavel, un ancien général de l’OTAN à la tête d’un gouvernement quant à lui pro-occidental ; la différence entre les deux républiques qui ont succédé à la Tchécoslovaquie demeure donc.

Cette victoire de Robert Fico ne serait sans doute qu’un épisode de la vie politique slovaque s’il ne fallait pas la mettre en perspective avec d’autres pays de la région où des leaders de la même aspiration politique sont au pouvoir. La Pologne, qui malgré la récente alternative politique que représente le retour au pouvoir du pro-européen Donald Tusk, a quand même vécu une longue période avec le PIS au pouvoir de 2005 à 2007 puis de 2015 à 2023 ? On précisera que Donald Tusk cohabite à Varsovie avec un président de la République de Pologne qui lui, est du PIS : Andrzej Duda. Ajoutons à cela l’emblématique Hongrie de Viktor Orban, au pouvoir sans interruption depuis 2010. Il en est de même, précisons-le, dans les petites républiques baltes du Nord.

Le reste de l’Europe n’est pas en reste, on l’a bien vu avec l’Italie ou encore tout récemment les Pays-Bas. Tout cela jouera un rôle, à n’en pas douter, lors des élections du renouvellement du Parlement européen en juin 2024. Et une fois encore la diversité des 27 pays membres devra trouver une nouvelle harmonie pour poursuivre, entre autres, la mise en œuvre de l’architecture de sécurité commune de l’UE avec un siècle qui approche déjà de son premier quart.

C’est ainsi que l’aventure européenne se poursuit depuis la signature du Traité de Rome le 25 mars 1957. Souhaitons-lui alors une bonne continuation dans la compréhension mutuelle…

Dr Olivier Buirette