Hakan Bıçakcı remporte le 10e Prix littéraire NDS des Lycéens pour son roman Silinmiş Sahneler, publié par les éditions İletişim

8 h 45 dans les coulisses de la salle de spectacle du lycée Notre-Dame de Sion. Membres du jury et responsables de l’organisation de la cérémonie de remise du Prix littéraire NDS des Lycéens se préparent à la dernière répétition. 


Par Dr. Mireille Sadège
Publié en Février 2024

L'émotion est palpable. Les lumières s’allument. Arda Keskin ve Melis İşken montent sur scène pour saluer le public, et appellent Berçem Selena Yeşilyurt, membre du jury qui va interpréter au piano le premier mouvement de la Sonate en do Majeur de Haydn.

Puis Arda Keskin ve Melis İşken procèdent à la présentation du Prix.

« Organisé depuis 2008 par le lycée et son Association des Anciens, le Prix littéraire NDS est dès 2013 élargi aux élèves de l’école. Au lycée Notre-Dame de Sion, nous cultivons un intérêt particulier pour la littérature. En tant que jurés du Prix littéraire NDS des Lycéens, nous voici donc réunis pour perpétuer cette tradition. La caractéristique la plus importante qui nous distingue d’un club de lecture ordinaire est certainement l’organisation de réunions mensuelles avec nos professeurs de littérature, et les critiques que nous rédigeons soigneusement sur les livres que nous lisons… Grâce à ces critiques, nous avons la possibilité de voter et de choisir le livre gagnant à la fin de l'année scolaire. » 

Deux autres membres du jury İpek Uluceviz et Ayda Uğurel présentent à leur tour l’écrivain lauréat, son œuvre et les motifs du choix du jury. 

« Dans le cadre de l’édition 2023 du Prix littéraire NDS des Lycéens, nous avons lu vingt-deux livres d'auteurs turcs, et celui qui nous a séduits le plus est le roman de Hakan Bıçakcı intitulé Silinmiş Sahneler (Scènes effacées). Bien que le contenu du livre décrive la vie d'un censeur, le principal facteur qui trame l'intrigue n'est pas la profession de notre censeur, mais les images terrifiantes qui apparaissent autour de lui. Des bizarreries, selon les mots de l’auteur… Le personnage principal voit parfois les objets comme censurés en raison de sa déformation professionnelle, et est parfois témoin de l’étrangeté des événements normaux de la vie quotidienne. 

Afin de servir de miroir à l’esprit du narrateur, nous aimerions partager avec vous un extrait de Scènes effacées : ''On s'entrelace les uns les autres, en esquivant les boutons, les fermetures éclair, les élastiques. C'est une scène qui devrait être supprimée. À partir d’où faut-il la supprimer ? Des boissons (glacées) sont servies dans le salon. Quelques bouffées sont prises d’une grosse cigarette errante (scène complètement supprimée). On s’embrasse (si cette scène se prolonge, il faudra la supprimer après un certain point).'' (p. 63). 

Le livre parle de trois façons de gérer l’étrangeté que nous venons de mentionner. Le fait d’être stupéfié est l’une d’elles. Lorsqu'il devient clair que la stupéfaction ne suffit pas, l’ignorance prend le contrôle du monde intérieur du personnage. C'est en fait une sorte de fuite sans s'en rendre compte… Cependant, lorsqu'on comprend que l’ignorance des problèmes ne les résout pas, l'étape de la ''lutte'' commence. Cela marque un tournant. C’est une nouvelle méthode, une nouvelle solution où le questionnement prend le dessus. 

Alors pourquoi sommes-nous si attachés à ce livre ? La réponse réside peut-être dans la façon dont Hakan Bıçakcı aborde le sujet. Dans sa perspective unique… Car chaque fois que la question de la censure est évoquée dans les conversations quotidiennes, le problème est généralement envisagé du point de vue de l’artiste dont l’œuvre est censurée. Ceux qui imposent la censure en expliquent les raisons de leur propre point de vue… C'est exactement là que le livre devient extraordinaire. Car le protagoniste n’est ni l’auteur de l’œuvre censurée ni celui qui a imposé la censure. Il est peut-être en train de supprimer une scène dans le film ou de glacer un objet. Cependant, il ne peut décider quoi censurer. Il n'est ni scénariste ni acteur de théâtre. Ce n'est qu'un personnage secondaire dont le public oubliera le nom dès qu'il quitte la salle. C’est un figurant placé sur scène pour accéder à l'événement principal et faire passer le message souhaité. Et c’est précisément pour cette raison que le livre est original et vraiment remarquable, car il reflète le point de vue d’une personne se trouvant dans une position autrement impensable.  Autrement dit, la vraie raison est probablement que les pages nous attirent d’abord, puis font de nous le personnage principal.

Hakan Bıçakcı est né à Istanbul en 1978 et a écrit son premier roman en 2002. Il a remporté le Prix littéraire Cevdet Kudret en 2020 avec sa nouvelle Normal Nefes Almaya Devam Edin. Hakan Bıçakcı, qui aborde dans ses œuvres des problèmes tels que les troubles causés par la vie urbaine et les crises personnelles, a réussi à attirer notre attention en tant que jeunes lecteurs grâce à l'univers étrange qu'il a créé sous le nom de Silinmiş Sahneler. »

Avant la remise du Prix à l’écrivain, Nil Çelik, membre du jury, interpréta un extrait du livre Silinmiş Sahneler, accompagnée par Beyza Çavuş au violon et par Kaan Küçük au piano. Puis Elif Ece Alparslan, membre du jury, a lu un extrait du livre en français. 

Deux membres du jury, Nar Ergölen et Melek Kınalılar, ont enfin remis le Prix littéraire NDS des Lycéens 2023 au lauréat Hakan Bıçakcı. Très ému, le romancier a ensuite répondu aux questions des élèves. À la fin de la cérémonie, tous les membres du jury ont rejoint l’écrivain pour recevoir leur certificat des mains du directeur du lycée, M. Alexandre Abellan, et la directrice adjointe turque, Mme Tuna Saïkali. 

Le Prix littéraire NDS des Lycéens est le premier du genre en Turquie. Par ce prix, le lycée français Notre-Dame de Sion entend souligner son engagement envers la littérature et les écrivains, et insuffler efficacement la passion de la lecture et du livre chez les jeunes.

Avec Sevi Özışık, professeur de littérature turque, nous encadrons le jury du Prix littéraire NDS des Lycéens, et nous ne pouvons que féliciter tous les acteurs de cet événement pour le formidable travail qu’ils effectuent tout au long de l’année, et leur extraordinaire investissement dans la préparation et l’organisation de la cérémonie.

Mireille Sadège