« Ville Lumière ! » Mais quelle lumière... Celui ou celle qui a prononcé ces deux mots n'a jamais dû mettre les pieds dans cette ville au mois de novembre.
La ville est grise, la ville est sombre. La Seine coule d'une couleur profondément triste. Le jour, rien ne vous rappelle la lumière, pas le moindre rayon de lumière.
Vous voyez partout des nuages. Sous les mille et une nuances du gris et du brun, la ville est sous nuage. Certains sont de passage. Ils traversent la ville à une vitesse vertigineuse et jouent, comme un enfant, à un jeu de cache-cache avec les lumières. Après eux, on sait qu'il y aura du beau temps. D'autres, par contre, sont méchants, cruels. Ils nous ramènent du mauvais temps. On les connaît. De nos jours, ils sont de plus en plus nombreux, volumineux, bruyants et omniprésents, prêts à asphyxier la ville et le cours paisible de sa vie.
« Qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? » Telle était la question posée à l'étranger dans les vers de Baudelaire. « J'aime les nuages... les nuages qui passent... là -bas... là -bas... les merveilleux nuages ! » répondait-il. Mais qu'est-ce qu'il était naïf ! Moi, je n'aime pas les nuages. En tout cas, pas tous. Les nuages sombres qui nous volent la lumière du jour, qui absorbent l'air respirable, qui menacent la vie paisible et harmonieuse dans la cité... Je ne les aime pas.
Heureusement que la nuit existe. Là , quand tombe la nuit, tout devient lumière et on y trouve quelque chose de divin.
Il y a quelques années, j'avais écouté une conférence du journal Le Monde. La nuit était, de plus en plus, fragilisée, elle risquait d'être nulle part. Cette dualité classique entre le jour et la nuit était de plus en plus menacée. Les écrans et leurs lumières bleues, les éclairages de rues et les politiques de surveillances nous suivaient sans interruption. Au point de nous enlever notre simple plaisir de vue sur l'infinité des millions d'étoiles dans le ciel...
Mais peut-être qu'on se trompait. Aujourd'hui, j'ai envie de dire : « Tant mieux ». Heureusement que la nuit lumineuse existe, heureusement que la lumière fut et qu'elle efface, le temps d'une nuit, la noirceur de l'ambiance générale ! Que ferions-nous si un jour, Louis XIV, dit le Roi-Soleil, et son fameux ministre Colbert, n'avaient pas chargé un certain Philippe Lebon, créateur de l'éclairage de gaz, d'illuminer toute la ville entière, à commencer par ses monuments, boulevards et passages ? Un petit lieutenant général de la police y verrait l'occasion de chasser les voyous bohèmes parisiens. Soit ! Le résultat est quand-même époustouflant. La nuit, la ville devient lumière. Et contemplez-la surtout en fin d'année !
La nuit, les nuages s'effacent, Paris gagne encore plus royalement son titre de « Ville Lumière ».
Les nuages sombres, il faut les chasser, la lumière, il faut la préserver. Plus que jamais.
Ali Türek