Fin octobre 2023, l'Union européenne a annoncé que six milliards d'euros allaient être débloqués en faveur de six pays des Balkans occidentaux : la Macédoine du Nord, l'Albanie, le Kosovo, la Serbie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine.
« Nous devons rapprocher nos économies. Le plan de croissance va renforcer votre économie, va créer de l'emploi », a déclaré le 30 octobre la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, depuis Skopje, capitale de la Macédoine du Nord.
Voilà qui remet bien en perspective cette première qu'aura été le voyage d'un président français en Albanie les 16 et 17 octobre derniers, à l'occasion de sa participation à un sommet régional évoquant les perspectives de ce qui pourrait être un 8e élargissement de l'Union.
En effet, le contexte international de cette fin d'année 2023 est bien assombri. Un élargissement, ou ne serait-ce qu'une relance de la dynamique européenne à cet ex-Yougoslavie qui fut le théà¢tre de la dernière guerre européenne du 20e siècle de 1991 à 2001, est sans nul doute une idée pertinente.
Le choix de l'Albanie de la part du président français n'est sans doute pas un hasard. Car si le nord des Balkans de l'Ouest est à présent bien stabilisé avec une Slovénie qui est entrée dans l'UE le 1er mai 2004 et a intégré la zone euro le 1er janvier 2007, et la Croatie qui fut la bénéficiaire du dernier et 7e élargissement le 1er juillet 2013 en intégrant la zone euro le 1er janvier 2023, pour le reste des États de l'ex-Yougoslavie, la situation est plus complexe : la situation est toujours tendue en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo où justement, avec des frictions encore récentes concernant la Serbie voisine, la question albanaise continue de se poser, tout comme pour la Macédoine du Nord.
Sous cet angle, la rencontre entre Emmanuel Macron et le premier ministre Eddie Rama prenait tout son sens, car il s'agissait là d'une prise en compte de l'importance de la minorité albanaise dans ces Balkans de l'Ouest.
Même si le « Pays des Aigles » ne fut jamais intégré dans la Fédération yougoslave du Maréchal Tito, il ne faut pas oublier que dans sa version rêvée d'une Yougoslavie socialiste « grand format » juste après 1945, l'Albanie d'Enver Hoxha, mais aussi la Bulgarie de Dimitrov, voire même la Grèce devaient en faire partie. On rappellera ici que c'est là toute la raison de la création d'une Macédoine dans la Fédération yougoslave, qui se serait alors unie à la Macédoine d'Alexandre le Grand si la guerre civile grecque, qui devait durer de 1946 à 1949, avait débouché sur une victoire communiste.
On le sait, et ce largement à cause de Staline, il n'en fut rien. L'Albanie, après la mort de Staline en 1953, devait se rapprocher de la Chine populaire, alors que la Bulgarie devenait un des États du bloc socialiste les plus fidèles à Moscou.
Ainsi, même si ce 8e élargissement n'est pas prévu avant la fin de la décennie ‒ les dernières déclarations le situant à l'horizon 2030 ‒ il n'en demeure pas moins que le renforcement des relations avec l'Albanie, pays à la population la plus nombreuse et jeune de la région, est un pari important pour l'avenir, car ce pays jouera sans doute un rà´le important dans cette grande réunion future des pays des Balkans de l'Ouest. Ceci fera alors sans doute sortir de l'instabilité cette région meurtrie par dix ans de guerre.
Dr Olivier Buirette