Laissez passer les plus âgés !

II - La magie au service de la jeunesse

Le mois dernier, nous avons parlé de la vieillesse en mentionnant l’âge extrême de certains personnages légendaires.

Par Eren M.Paykal
Publié en Janvier 2024

En fait, la vie éternelle, la jeunesse sans fin ont toujours titillé l’imagination et fait l’objet de recherches assidues, que ce soit dans le domaine scientifique ou magique…

Justement, à toutes des époques, la magie et plus particulièrement l’alchimie ont été considérés comme le seul moyen, si j’ose dire, de permettre une jeunesse éternelle.

L’on se souvient de Nicolas Flamel (1330-1418), un alchimiste réputé avoir réussi dans la quête de la pierre philosophale permettant de transmuter les métaux en or. Sa renommée lui valut de se voir attribuer, de la fin du XVe siècle au XVIIe siècle, plusieurs traités alchimiques, le plus célèbre étant Le Livre des figures hiéroglyphiques paru en 1612. L’on disait aussi qu’il détenait l’élixir de longue vie...  Mais bon, de nos jours, point de Flamel dans les rues marseillaises ou parisiennes !  À moins qu’il ne se camoufle, ces dires sont pour le moins exagérés…

Le comte de Saint-Germain (1712-1784)… Voilà un autre alchimiste, peintre, homme du monde nanti et de grande culture, qui a consacré sa vie à ses recherches chimiques et alchimiques. Certains prétendent qu’il a voyagé jusqu’en Inde et au Tibet. Aucune preuve de ces périples n’a été avancée, mais on constate que le comte a une profonde connaissance de l’Orient. Il se montre l’un des maîtres des sociétés ésotériques, sorcier prisé des dames mais aussi des hommes de l’époque, fabricant de cosmétiques d’avant-garde, et l’un des rares « connaisseurs » de l’immortalité, ayant le don de l’ubiquité. Son immortalité a été « attestée » par des personnalités comme Giovanni Papini dans son œuvre Gog, Notons cependant que Gog a aussi rencontré Henry Ford, Albert Einstein, Gandhi, Freud, Lénine, Edison, H. G. Wells, George Bernard Shaw, James George Frazer, Knut Hamsun entre autres…

Toutefois, la légende la plus fameuse concernant la jeunesse éternelle est attribuée au Dr Johann George Faust, alchimiste de la Renaissance qui s’était attribué le titre d’ « Hémitheos (demi-dieu) de Heidelberg ».

Né à Knittlingen dans le Württemberg, Faust acquit une notoriété dans toute l’Europe pour ses activités de dentiste, mais surtout ses expériences chimiques, ses élixirs miraculeux, sa magie contre la malchance, et autres charlatanismes... Mort déchiqueté dans l’explosion survenue dans son laboratoire en 1540, sa fin horrible donna lieu à la légende d’un adepte du diable qui, selon les termes du pacte conclu avec ce dernier, a finalement payé de sa vie et a été damné pour l’éternité.

L’un des premiers textes fondateur du mythe a été l’Historia von D. Johann Fausten, suivi de plusieurs autres dont des pièces de théâtre. Bien sûr, les œuvres les plus connues sont la tragédie de l’ère élisabéthaine de Christopher Marlowe, The Tragical History of Life and Death of Doctor Faustus (1592), sans oublier le fameux Faust de Goethe, qui inspira ensuite de nombreux films, romans et bandes dessinées qui à leur tour ont conféré l’immortalité au personnage.

Le Faust de Goethe est un homme vieux et malheureux qui, après une vie consacrée à la recherche, fait le bilan de son ignorance et de ses échecs. Surgissant des profondeurs, Méphistophélès lui propose un pacte lui rendant sa jeunesse et sa joie perdue et lui donnant bonheur et réussite, en échange de son âme, donc de sa damnation éternelle.

L’histoire de Faust est ensuite développée dans les œuvres suivantes : Urfaust (1773-1775) ; Faust, Ein Fragment (1790) ; Faust, Erster Teil (1808), et Faust, Zweiter Teil (1832). Dans ces textes, notre héros surmonte la tragédie de la mort de sa fiancée et autres malheurs, mais ne rompt pas avec sa soif de connaissance. Méphistophélès, faisant valoir le pacte, insiste pour avoir son âme mais Dieu, considérant la quête de Faust pour le « suprême », juge qu’il mérite le paradis…

L’un des œuvres modernes abordant ce sujet de l’immortalité et du pacte diabolique est le roman noir de William Hjortsberg, Fallen Angel (1978). Mais on connaît plus le film très réussi d’Alan Parker, issu de ce livre et réalisé en 1987, Angel Heart. Les comédiens Mickey Rourke, Robert de Niro, Lisa Bonet, Charlotte Rampling et Brownee Mc Ghee (le fameux bluesman), par leur époustouflante interprétation, en ont fait un film culte.  Le film et le roman, tous deux très noirs, narrent l’histoire d’un crooner, Jonathan Liebling alias Johnny Favorite, qui a vendu son âme au diable en échange du succès, de la fortune et de l’immortalité. L’intrigue du livre se déroule à New York, mais le film transpose la plupart des scènes à la Nouvelle-Orléans, avec des prises de vue sublimes du grand Alan Parker. Tout basculera avec l’intervention de Louis Cyphre, Lucifer interprété par le… diabolique Robert de Niro.

Eren Paykal