La France face à son passé colonial

Le 13 septembre 2023 était diffusé sur TMC l’édito de Jean-Michel Aphatie dans l’émission Quotidien. Le débat sur le colonialisme y était vif et Jean-Michel Aphatie ne cessait de s’insurger contre la difficile acceptation de la réalité coloniale de la France. (Un article de Hannah Bertholomé).

Par Aujourd’hui la Turquie
Publié en Décembre 2023

Le contexte du tremblement de terre au Maroc a en effet remis à l’ordre du jour les modalités des relations franco-marocaines, et plus particulièrement le rôle de la France en Afrique.

Peut-être connaissez-vous la chanson de Michel Sardou de 1977, Le temps des colonies ? Elle reprend tout le champ lexical de la gloire, de l’abondance, de la fierté d’être un colon. Citée dans l’émission Quotidien, cette chanson permet de cristalliser le débat actuel en France vis-à-vis du colonialisme. Pourquoi reste-t-il si difficile pour la France d’accepter et de nommer les atrocités commises en Afrique ? Pourquoi faut-il toujours enjoliver les termes utilisés pour décrire son colonialisme et se cacher derrière l’idée que la France a tout de même apporté des améliorations positives dans ces pays (construction d’écoles, d’hôpitaux…) ?

Jean-Michel Aphatie cite par ailleurs Georges Clemenceau pour prouver que dès le XIXe siècle, la France était au courant des crimes commis : « Combien de crimes atroces, effroyables ont été commis au nom de la justice et de la civilisation. Je ne dis rien des vices que l’Européen apporte avec lui : de l’alcool, de l’opium qu’il répand, qu’il impose s’il lui plaît. Et c’est un pareil système que vous essayez de justifier en France, dans la patrie des droits de l’homme ! » [1] Cette dernière phrase résume bien le problème : encore aujourd’hui, la France s’obstine à justifier, à expliquer ses actes en Afrique, comme s’il était possible d’en être excusé.

Face à cette position française peu appréciée par le Maroc, les relations bilatérales entre les deux pays sont souvent crispées. Le journal marocain Le Desk a d’ailleurs affirmé, suite au tremblement de terre du 8 septembre 2023, que le Maroc « reste, malgré la tragédie et son adversité, très attentif aux tentatives de récupération ou d’entrisme, voire de mise en vassalité par une puissance condescendante, préférant adapter son calcul géopolitique au réalisme sur le terrain ».

La France a en effet proposé son aide matérielle et sécuritaire au Maroc suite au séisme. Le ministère de l’Intérieur marocain l’a refusée indirectement en répondant qu’il allait privilégier un nombre réduit de propositions d’aide afin de mettre en place une meilleure coordination sur le terrain. Ainsi, le royaume du Maroc a préféré l’aide de l’Espagne, du Royaume-Uni, du Qatar et des Émirats arabes unis. La proposition de la France a quant à elle été ressentie comme une tentative d’imposer une assistance de fait.

Ces tensions sont liées à la crise diplomatique à propos du Sahara occidental. Cela fait en effet des mois que les tensions entre Paris et Rabat ne cessent de croître, à un point tel que depuis janvier dernier, le Maroc n’a plus d’ambassadeur à Paris. La France continue de refuser de s’aligner sur la position des États-Unis et de reconnaitre la pleine souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole. Ce sujet épineux, faisant toujours l’objet de négociations à l’ONU, est une priorité pour le royaume chérifien notamment depuis 2020, lorsque les États-Unis ont reconnu la souveraineté du Maroc en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. La France occupe une place complexe dans ce conflit, ayant d’un côté le Maroc maintenant une position ferme, et de l’autre côté, l’Algérie qui soutient les indépendantistes sahraouis. La marocanité du Sahara est donc une source perpétuelle de tensions entre Paris et Rabat, et les relations diplomatiques sont plus que jamais tendues.

Du point de vue marocain, la France reste une puissance colonisatrice qui continue de regarder les pays africains avec condescendance. Il sera compliqué de changer cette perception tant que la France continuera à justifier ses actions passées. Cette attitude est également illustrée par la manière moralisatrice dont les puissances occidentales commentent la réaction du Maroc face aux aides. Bien que l’aide française soit pour l’instant refusée, la France a débloqué une aide d’urgence de cinq millions d’euros pour venir en aide aux victimes du séisme.

Hannah Berthomé

[1] Georges Clemenceau, Réponse au discours de Jules Ferry, 1885.