La Voïvodine, aux confins de l’Europe centrale et des Balkans

​Si l’on examine en 2023 la carte de la République de Serbie, nous trouvons là les frontières de ce qui nous rappelle le petit Royaume des Serbes de 1914. Au sud, nous avons le Kosovo, ancienne région autonome devenue indépendante en 2008, encore source de bien des conflits et des tensions.

Par Dr. Olivier Buirette
Publié en Décembre 2023

Au nord de la Serbie, nous trouvons tout un territoire qui appartint par le passé à l’Empire d’Autriche-Hongrie et qui sera rattaché en 1918 à la Serbie lors de la création de l’État des Serbes, Croate et Slovènes, qui deviendra ensuite le Royaume de Yougoslavie, puis la Fédération yougoslave socialiste du Maréchal Tito elle-même dissoute après dix ans d’une terrible guerre civile de 1990 à 2000.

Cette dissolution devait voir la Serbie actuelle amputée donc du Kosovo au sud, mais qui devait garder au nord du Danube la Voïvodine qui est toujours une région autonome de la République serbe actuelle, avec son gouvernement régional siégeant à Novi Sad (capitale de la Voivodine, connue du temps de la domination hongroise sous le nom d’Újvidék) et présidé par Igor Mirovic depuis 2016.

Penchons-nous donc ici sur ce qui fut un État dont l’histoire est aux confins de celle de l’Europe centrale et des Balkans.

Avec encore une minorité hongroise de 11 % de la population, on peut dire que depuis l’Antiquité, cette région qui commence sur la rive nord du Danube et donc juste après Belgrade, capitale de la Serbie, est vraiment le carrefour des empires puisque s’y sont succédés ceux de Rome, de Byzance, l’Empire ottoman puis l’Empire d’Autriche, et enfin la double monarchie austro-hongroise à partir de 1867. Parmi la vingtaine de titres que l’empereur et roi François Joseph de Habsbourg cumulait, il y avait en effet bien celui de « Grand Voïvode de Voïvodine », le mot voïvode signifiant « chef de guerre ».

Dans cette région, nous sommes donc une fois encore à la croisée de plusieurs zones géographiques historiques, à savoir principalement ici celle marquant les points de rencontre entre l’Europe centrale et les Balkans.

En effet, il faut se rappeler que du temps des anciennes frontières issues des vieux empires, soit avant 1918, les Balkans commençaient au sud du Danube. C’est ce fleuve de 2850 km, qui traverse près de dix pays européens, qui faisait alors la frontière entre la vieille Europe centrale et cet ensemble que l’on appellera plus tard les « Balkans de l’Ouest » et encore plus tard la Yougoslavie. Une zone historique géographique et culturelle qui depuis le XIXe siècle était en pleine recomposition suite au reflux de l’Empire ottoman dans la région.

En ce temps-là, c’est donc en franchissant le Danube à Belgrade que l’on pénétrait dans le grand empire centreuropéen en quittant le Royaume de Serbie, devenu un état pleinement indépendant en 1882 après avoir obtenu de l’Empire ottoman son autonomie en 1830, puis son statut de principauté en 1878.

Cette frontière danubienne conditionnait aussi à l’époque celle de la Bulgarie plus au sud, qui elle aussi se retrouvait donc alors dans la partie « balkanique » de l’Europe.

La première guerre mondiale mettra un terme à cet ordre ancien des choses pour rassembler les peuples slaves du sud en ce fameux État des Serbes, Croates et Slovènes qui deviendra par la suite le Royaume de Yougoslavie puis, plus proche de nous, la Yougoslavie du Maréchal Tito.

On prendra ainsi, avec la Voïvodine dans la République de Serbie actuelle, toute la mesure du témoignage subsistant de ces grands découpages territoriaux de l’Europe des empires dissous de l’après-guerre de 14-18 : la région autonome du Kosovo se détachant du sud de la Serbie, alors qu’au nord, la Voïvodine devait demeurer dans la République de Serbie.

Dr Olivier Buirette