L'écrivaine et critique littéraire Asuman Kafaoğlu-Büke est née à Istanbul. Après des études secondaires en Suisse, elle a été diplà´mée du département de Philosophie de l'Université de Californie. Elle a préparé et présenté des programmes de radio sur la littérature, la mythologie et la musique classique.
Asuman Kafaoğlu-Büke a en outre enseigné la philosophie de l'art au département de Dramaturgie de l'Université d'Istanbul, et au département de Musique de l'Université Bilgi. Elle compte parmi les critiques littéraires les plus renommés de Turquie.
Dans son dernier livre, La femme du tableau (Tablodaki Kadın), elle révèle à travers des peintures de « femme qui lit » comment l'art, les livres et finalement les femmes ont changé au fil du temps. Pour l'écrivaine, les femmes, autrefois empêchées de participer à la vie sociale, ne pouvaient explorer le monde que grà¢ce aux livres. C'est pourquoi elle pense qu'il existe un lien très spécial, voire magique, entre les femmes et les livres. Rencontre avec une passionnée de livres, de philosophie et d'arts.
Quand et comment est né votre intérêt pour la littérature et les livres ?
J'ai appris à lire avant de commencer l'école. Je me suis intéressée à la littérature à l'à¢ge de dix-sept ans, avec la lecture du roman L'Idiot de Dostoïevski. Je n'ai pas vraiment compris le roman, mais j'ai été très impressionnée par sa profondeur. C'est comme s'il y avait quelque chose de caché au plus profond que j'avais besoin de comprendre. Je ne me souviens pas précisément de ce que je n'avais pas compris, mais c'est le sentiment que la vie a un sens plus profond qu'il n'y paraît, cette dimension, qui m'a rapprochée de la littérature.
Pourquoi avez-vous décidé de devenir critique littéraire ?
Lors de ma formation en philosophie, je me suis particulièrement intéressée à l'esthétique et aux théories critiques. J'ai également suivi de nombreux cours d'histoire du cinéma et d'art dramatique. Je pense que la critique littéraire est née de la combinaison de mes intérêts.
Si je ne me trompe pas, vous êtes critique littéraire depuis plus de 20 ans. Quelles sont les caractéristiques et les difficultés de ce métier en Turquie par rapport à l'étranger ?
J'ai commencé à écrire pour le journal Cumhuriyet en 1995, c'est-à -dire il y a environ 30 ans. Plus tard, j'ai commencé à écrire régulièrement chaque semaine dans Cumhuriyet Kitap, le supplément « livre » de ce quotidien. Écrire chaque semaine à propos d'un livre est un travail qui nécessite une grande discipline, et vous suivez chaque semaine toutes les publications de livres. Du point de vue professionnel, les périodes où j'écrivais, d'abord dans Cumhuriyet puis dans les suppléments Radikal Kitap, ont été les années les plus heureuses de ma vie. Il s'agissait de suppléments « livre » très attendus par les lecteurs et qui comportaient de nombreuses pages. Malheureusement, ces suppléments « livre » n'existent plus tels qu'on les connaissait, leur nombre de pages a considérablement réduit. Je pense que les écrivains et les maisons d'édition en souffrent, mais personne ne bouge. C'est vraiment triste de voir que personne ne réagit contre la disparition des suppléments livres. Je pense que les marchés du livre dans le monde ont beaucoup changé, et mes collègues de France et d'Angleterre ont les mêmes préoccupations.
Vous avez récemment publié un livre intitulé La femme du tableau. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
C'est un livre basé sur la relation entre les femmes et les livres à travers les siècles, et le reflet de cette relation sur les arts plastiques. Je ne suis pas historienne de l'art, je voulais juste exprimer dans mon livre comment les femmes ont été empêchées de recevoir une éducation et de lire des livres tout au long de l'histoire. Car pendant des siècles, les femmes ont été socialement empêchées de voyager, de vivre des aventures par elles-mêmes et d'occuper des emplois qui mettraient en valeur leur intelligence et leur talent. Les histoires qu'elles lisaient étaient donc très importantes pour elles, c'est ce qui explique l'existence d'un lien très spécial, voire magique, entre les femmes et les livres.
« Une femme qui lit est dangereuse », disait-on. Ce constat est-il encore valable actuellement ? Malheureusement, il est toujours d'actualité. Dans de nombreuses régions du monde, des gouvernements continuent d'empêcher les filles d'aller à l'école. Comme vous le savez, les filles n'ont pas accès à l'enseignement supérieur en Afghanistan. Et dans beaucoup de pays, elles ne bénéficient pas des mêmes chances en matière d'éducation.
Quel est l'impact de vos études de philosophie sur les métiers que vous exercez ?
La philosophie a constitué la base de mes autres professions. J'ai abordé l'art, la musique et la littérature à travers la pensée analytique et la logique.