Émeutes en France

Dès l’annonce du décès du jeune Nahel M., tué par balle par un policier dans la banlieue parisienne le 27 juin dernier, des émeutes ont éclaté dans toute la France, notamment en banlieue. Ce n’est pas la première fois que la France est le théâtre d’événements dont la violence va croissant.

Par Dr. Hüseyin Latif
Publié en Août 2023

Au cours des dernières années se sont déroulées bien des actions de protestations : celles des Gilets jaunes, celles à propos des heures de travail et plus récemment, de l'âge de la retraite. Mais la crise des banlieues a une tout autre dimension.

On dit que le problème, qui a commencé à faire surface dans les années 80, est un problème physique et social, sur les plans économique et éducatif : celui de certains groupes ethniques éloignés du centre, exclus de la société et qui se sentent dévalorisés. Mais bien que cette fraction représente une classe opprimée, elle n'a en fait joué aucun rôle significatif dans les mouvements des Gilets jaunes ni lors des manifestations contre l'âge de la retraite.

Les émeutes de 2005 dans les banlieues avaient commencé après la mort de deux adolescents dans le transformateur électrique où ils se cachaient en fuyant la police, et avaient duré plusieurs semaines. Le gouvernement et les responsables de l'État avaient alors pu arrêter la rébellion au terme de quelques négociations, comme cette fois.

Les efforts du gouvernement pour relier les quartiers autrefois coupés du centre par des lignes de métro et les efforts des institutions étatiques pour établir des relations avec les banlieues ont peut-être contribué à aggraver la crise. Ainsi, les banlieusards qui voient leur relation avec la ville renforcée par les transports, ont commencé, surtout à la faveur des médias visuels dont la récente arrivée de Netflix bon marché dans tous les foyers, à observer concrètement l'existence d'un autre monde. [1]

Il y a deux mondes. L'un est le monde de ceux qui vivent au centre-ville ou dans les banlieues chics, qui sont éduqués, bien vêtus, qui peuvent manger dans de bons restaurants, profiter d'activités culturelles, flirter avec des femmes et des hommes bien habillés, vivre dans un meilleur logement… Bref, le monde tout en couleurs de certaines classes. Inutile selon moi de définir le second monde !

Dans les banlieues où se font sentir de profondes inégalités sociales et un sentiment d'injustice, il est largement admis que la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » ne concerne pas tout le monde. Cette fois, certains affirment que le meurtre de Nahel, 17 ans, d’origine algérienne, par la police, est la résultante de la « violence policière » et même de la politique de racisme involontairement engendrée par l'État.

Veuillez noter ici qu’après le nom de Nahel, tué uniquement à cause d'une infraction au code de la route, nous avons mentionné, « d’origine algérienne », tout comme les médias français. Si Nahel avait été une personne connue, on aurait écrit directement « français »… Les points de vue des commentateurs des organes médiatiques, contrôlés presque directement par l'État et les classes dirigeantes, sont très intéressants. Il ne m'est pas nécessaire, je pense, de donner des exemples. Il vous suffit de regarder CNews, BFM TV ou LCI pendant quelques minutes.

C'est pourquoi, comme on le voit dans ce dernier événement, la colère qui couvait en permanence s'est propagée aux logements sociaux et au-delà. Les gens ont perdu confiance en la police suite à l'augmentation du nombre de blessures (pertes d'un œil, mains tranchées etc.) causées par l'utilisation abusive d’armes par les forces de sécurité pour réprimer les manifestations.

Le plus grand problème des familles françaises à faible revenu vivant dans les banlieues de Paris, Lyon, Lille et Marseille, est le handicap social et culturel. Et ces problèmes s'aggravent au fil des générations.

La question de la participation à la vie sociale et de la recherche d'emploi est devenue un problème important. Les enfants vont à l'école, mais sont socialisés dans un cadre extérieur à la société française. Leur langage corporel, leur discours et leurs styles vestimentaires sont différents de ceux des enfants des villes.

Ils ne sont jamais accueillis cordialement par les députés, maires et autres élus locaux qui sont élus par leurs suffrages.

Ne pas être représenté sur le terrain politique, être mis à l’écart de la société, ne pas pouvoir trouver de domaines d’insertion sans assistance constante, le chômage, tout cela provoque des réactions de la part des jeunes. Dans les quartiers de logements sociaux, les groupes de jeunes sont, d'une manière ou d'une autre, prisonniers de leurs origines culturelles et religieuses en raison de la pression sociale.

Aujourd'hui, parmi les mesures prises par le gouvernement pour pacifier la rébellion en France, on a vu que des accords particuliers passés avec certains groupes locaux ont été divulgués au public.

En fait, ce problème doit être traité conjointement avec d'autres problèmes en France. Car au-delà d'être ethnique, racial et d'immigration, il porte une caractéristique de classe, et la pauvreté en est au cœur. Les institutions policières et judiciaires et les autres organes gouvernementaux doivent être restructurés.

[1] La chaîne Canal+, par ses tarifs exorbitants, a longtemps rendu inaccessibles aux classes défavorisées d’autres réalités de la vie. Mais les nouvelles plateformes se sont facilement implantées dans les banlieues.