Face à l'olivier

Fin juin, à Sığacık (Izmir, Turquie), je me suis réveillée par une belle matinée où les oiseaux chantaient, et du balcon de l'hôtel, je me suis plongée dans la contemplation d’un vieil olivier. Malgré ses décennies d’existence et tous les événements dont il a été témoin, ce vieil olivier se tenait devant moi dans toute sa sérénité, sa sagesse et son abondance.

Par Dr. Gözde Kurt-Yılmaz
Publié en Août 2023

À un moment de notre existence, nos chemins s’étaient croisés, et nous nous saluions silencieusement de nos présences. En jetant un coup d’œil à ma montre numérique, je réalisai que mon heure de café était déjà passée. Je suis allée dans un café voisin et j'ai commandé un café. Le serveur me dit que le café serait prêt dans vingt minutes et que je pouvais m'asseoir et attendre pendant qu’on le préparait. Habituée des cafés où en quelques minutes, le café est servi et consommé dans des gobelets en carton sur lesquels sont écrits nos noms, je ne voulais pas attendre vingt minutes pour un café et, pensant que j'irais boire mon café ailleurs, je suis retournée à l'hôtel, face à l'olivier.

L'olivier séculaire avait depuis longtemps déjà percé le mystère de la vie, et semblait sourire au soleil tandis que les oiseaux chantaient dans ses branches, symbole de paix. Les notions de temps et de vitesse n’avaient plus aucune importance face à la sérénité, la sagesse et la générosité de l'olivier. Dans les grandes villes, la lenteur est un concept qui renvoie à la paresse, à la maladie et à la vieillesse. Dans notre monde d'aujourd'hui, la lenteur est presque maudite. Les citadins, captifs de la vitesse dans leur quotidien, sont devenus accros à l’accélération et à la consommation sans s'en rendre compte. Rentrer de vacances fatigué est désormais normal…

Mais Sığacık est une cittaslow certifiée en termes de calme et de lenteur. Citta signifiant ville en italien et slow, lent en anglais, une cittaslow est une « ville lente » qui, par sa culture de vie et sa philosophie, offre aux personnes qui y vivent et la visitent une compréhension et un mode de vie tout nouveaux. Dans ce lieu que l'on peut qualifier d'utopique pour les habitants des grandes villes dont le rythme de vie s'accélère de jour en jour, les gens vivent, travaillent et produisent en privilégiant la sérénité, la sagesse et l'abondance. Tout comme un olivier sage qui a résolu le mystère de la vie, qui sourit au soleil tous les matins et où les oiseaux gazouillent dans les branches…

Je voudrais terminer mon article en citant à ce propos un paragraphe du premier chapitre du livre La lenteur de Milan Kundera, décédé le 11 juillet 2023, et à cette occasion rendre hommage, avec amour et respect, à cet immense écrivain qui par ses œuvres a transcendé le temps et l'espace :

Pourquoi le plaisir de la lenteur a-t-il disparu ? Ah, où sont-ils, les flâneurs d’antan ? Où sont-ils, ces héros fainéants des chansons populaires, ces vagabonds qui traînent d'un moulin à l'autre et dorment à la belle étoile ? Ont-ils disparu avec les chemins champêtres, avec les prairies et les clairières, avec la nature ? Un proverbe tchèque définit leur douce oisiveté par une métaphore : ils contemplent les fenêtres du bon Dieu. Celui qui contemple les fenêtres du bon Dieu ne s'ennuie pas ; il est heureux. Dans notre monde, l'oisiveté s'est transformée en désœuvrement, ce qui est tout autre chose : le désœuvré est frustré, s'ennuie, est à la recherche constante du mouvement qui lui manque.

Dr. Gözde Kurt Yılmaz