Le cas de la minorité albanaise dans les Balkans occidentaux

L’Albanie est un petit pays des Balkans d’un peu plus de 3 millions d’habitants pour presque 29 000 km2. Indépendante de l’Empire Ottoman depuis 1912, son histoire est restée bien particulière dans la région : elle s’est tenue en effet en dehors de l’aventure yougoslave, tant durant l’entre-deux-guerres que du temps de la Fédération yougoslave socialiste du Maréchal Tito.

Par Dr. Olivier Buirette
Publié en Août 2023

Toutefois, l’histoire même de l’Albanie fait qu’elle n’a pas toujours eu cette taille. Par ailleurs, le fait que sa population soit majoritairement musulmane et de langue non slave rend très caractéristique et visible la présence de ses minorités dans les pays de la région.

Pour faire simple, si on remonte aux temps de l’Albanie ottomane, nous avons un pays largement étendu vers le nord et le sud de ses frontières actuelles. Le Kosovo, qui fut une province autonome dans la République serbe du temps de la Yougoslavie, faisait alors partie de l’ensemble albanais. Lors du remodelage éphémère de la région par Hitler en 1941, celui-ci saura s’en souvenir en rattachant le Kosovo à l’Albanie.

Dans l’actualité immédiate, ce sont bien sûr des suites de l’indépendance du Kosovo le 17 février 2008 dont on parle. En effet, la fin de la guerre de dissolution de la Yougoslavie verra l’intervention de l’OTAN contre la Serbie suite aux conséquences de la répression que devait subir ce petit État de la part de la Serbie de Milosevic.

Il faut garder en mémoire que si la population albanaise est majoritaire à plus de 90 % au Kosovo, celui-ci est aussi historiquement chargé de beaucoup de symboles religieux et historiques importants pour la Serbie : monastères orthodoxes historiques, ou encore le lieu de la fameuse bataille de Kosovo Poljé du 15 juin 1389 marquant à la fois la défaite de la Serbie mais surtout la victoire et l’occupation par l’Empire ottoman de la région pour plusieurs siècles.

On le sait, c’est toujours là un des points de tension dans la région, à mettre aux côtés de ceux qui existent encore en Bosnie Herzégovine entre la Republika Srpska (à majorité serbe) et la fédération croato-musulmane née des accords de Dayton de 1995 qui avaient marqué là une des étapes de la guerre de dissolution de la Yougoslavie.

Ces minorités albanaises, en outre, sont aussi concentrées au nord de la Grèce, et plus particulièrement en Macédoine (27 % de la population). On rappellera au passage qu’elles sont de 5 % au Monténégro, autour de 10 % en Bosnie Herzégovine et seulement de 0,5 % en Croatie et 1 % en Serbie.

Au Kosovo ont régulièrement lieu des points de tensions, et l’arrivée au pouvoir à Pristina, le 22 mars 2021, d’Albin Kurti en tant que premier ministre a ouvert la voie à une période très revendicative de la petite république. Il ne pouvait donc ne pas y avoir de choc avec la Serbie d’Alexandre Vucic, au pouvoir depuis 2017 et leader du Parti radical serbe (SRS).

Certes, la présence internationale de la KFOR est un moyen de calmer les tensions, mais la politique menée à Belgrade ne rassure pas tant le leader serbe oscille en permanence entre l’Union européenne et une Russie vieille alliée historique qui a toujours contesté la reconnaissance en tant qu’État du Kosovo.

On en conclura que comme toujours dans l’Histoire, ce n’est pas à cause d’une minorité que des conflits peuvent éclater ou se raviver, mais par la manière dont cette minorité est exploitée ou manipulée par des dirigeants qui souhaitent s’en servir pour satisfaire leurs projets politiques.

On citera ainsi, en rappel historique, l’utilisation du cas des minorités hongroises issues du Traité de Trianon et qui avait servi toute la politique anti traité de paix de la Hongrie du Régent Horty dans les années 20 et 30 ; de même, celle du cas des minorités allemandes des Sudètes en Tchécoslovaquie et dans le corridor de Dantzig par Hitler est tragiquement célèbre.

L’histoire du XXe siècle est hélas remplie de cas de ce genre, et la terrible guerre qui a déchiré la Yougoslavie pendant 10 ans en est un des derniers exemples dramatiques.

La solution passe sans doute par la voie de la diplomatie et le retour des instances internationales dans le rôle qu’elles doivent jouer dans la région au profit, espérons-le du moins, d’un retour à cette belle idée du « vivre ensemble ».

Dr Olivier Buirette