Caraïbes : émancipation totale du Royaume-Uni ?

Le 30 novembre  2021, on s’en souvient, l'île de la Barbade était devenu le premier pays en près de trente ans à destituer la reine anglaise à la tête de l'État, après l'île Maurice en 1992.

Par Eren M.Paykal
Publié en Juillet 2023

La Barbadienne Dame Sandra Mason avait prêté serment en tant que premier chef d'État de la République de Barbade.

L’initiative avait été déclenchée par la toute puissante Première ministre du Parti ouvrier, Mia Mottley qui, par la suite, a été réélue en 2022 après une victoire électorale écrasante. Rappelons que Mia Mottley, étoile montante de la politique internationale et caribéenne, avait été désignée par le magazine Time en 2022  comme l’une des « 100 personnes les plus influentes de la planète ».  Elle avait bénéficié de ce titre pour son plaidoyer franc pour lutter contre le changement climatique. Elle avait  présenté  dans ce sens l’Agenda de Bridgetown proposant des solutions pratiques pour réformer le système financier international dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. C’était, en outre, un ensemble de messages de base conçus pour réformer la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), des institutions créées à la fin de la Seconde Guerre mondiale et toujours dominées par les États-Unis et l'Europe.  Je pense qu’on doit encourager davantage Mia Mottley à approfondir ce dossier important. Mais revenons aux Caraibes.

La Barbade n'étant plus sous la souveraineté de la couronne britannique, le nombre de pays au monde la conservant est descendu à 15, dont huit nations des Caraïbes : Saint-Kitts-et-Nevis, Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Belize, la Grenade, Sainte-Lucie et la Jamaïque. La proclamation de la République a eu des répercussions très fortes et plutôt favorables dans la Communauté caribéenne.

L’un des partisans les plus fougueux  de cette émancipation reste le Premier ministre pro-Maduro de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, l’inoxydable Dr Ralph Gonsalves connu comme Comrade Ralph.  Dans une allocution après la déclaration, le Dr Ralph Gonsalves avait affirmé qu'il attendait avec impatience le jour où d'autres pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) suivraient la Barbade, la Guyane, Trinité-et-Tobago et la Dominique, et adopteraient  un régime républicain.

En dehors de ces États, la Guyane, le Suriname et Haïti sont gouvernés par des présidents exécutifs parmi les membres de CARICOM. La Guyane et la Dominique sont des républiques depuis leurs indépendances respectives en 1966 et 1977, tandis que la Trinité-et-Tobago, devenue indépendante en août 1962 avec un système monarchique constitutionnel et un gouverneur général, a modifié sa constitution en 1976 pour devenir une république.

En dehors des États caribéens susmentionnés, sept pays reconnaissent le monarque anglais comme chef d'État : le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Îles Salomon, Tuvalu et bien sûr le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord.

En outre, la mer des Caraïbes compte cinq colonies ou territoires d'outre-mer britanniques, à savoir Anguilla, les îles Caïmans, les îles Vierges britanniques, Montserrat et les îles Turques-et-Caïques, existent en. Quant aux Bermudes situées dans l'Atlantique, elles sont également sous suzeraineté britannique. Il faut ajouter que la plupart de ces entités sont satisfaites de leurs situations politiques actuelles.

Surtout après le décès de la reine Elisabeth II, des discussions ont été entamées en vue d’une transformation du régime monarchique en une institution républicaine, au sein de plusieurs communautés des îles caribéennes. Les dirigeants de la Jamaïque, du Belize, d’Antigua-Barbuda et des Bahamas sont les fers de lance de ce mouvement et s’apprêtent à adopter des mesures concrètes en ce sens. Les peuples de ces îles sont aussi favorables à ce changement et se montrent ouvertement distants par rapport à la couronne anglaise, comme en a témoigné la visite terne et difficile du Prince William et son épouse dans la région, au printemps 2022.

En 2013, la CARICOM avait créé la Commission des réparations décoloniales pour préparer le dossier « en vue d’une justice réparatrice pour les communautés autochtones et africaines de la région qui ont été victimes de crimes contre l'humanité sous les formes de génocide, d'esclavage, de traite des esclaves et de discrimination raciale ». Selon ce rapport, l'Empire britannique avait largement profité de la traite des esclaves dans les Caraïbes.

Eren Paykal