Is it Pablo-matic ?

Au cours des premiers jours de juin, j'ai lu deux nouvelles différentes qui m'ont intéressée et auxquelles j'ai beaucoup réfléchi, en particulier l’une d’elles.

Par Sırma Parman
Publié en Juillet 2023

En fait, je pense que ce n'est pas la nouvelle en elle-même qui m'a intéressée, mais les termes utilisés pour la rédiger. Quoi qu'il en soit, sans plus attendre, j'aimerais partager cette information avec vous.

Tout d'abord, je suis tombée sur une annonce concernant la nouvelle exposition du Musée de Brooklyn. Cette exposition intitulée « It's Pablo-matic » réunit plus de 100 œuvres de l'artiste avec des œuvres de femmes artistes contemporaines. Parmi ces femmes artistes figurent Cecily Brown, Renee Cox, Käthe Kollwitz et Dindga McCannon, dont vous avez peut-être déjà entendu parler. Selon la commissaire de l'exposition, la comédienne australienne Hannah Gadsby, l'exposition « aborde des questions complexes sur la misogynie, la créativité, le canon de l'histoire de l'art et le génie ».

Le monde a beaucoup changé en très peu de temps, nous le constatons tous. De nombreux facteurs sont à l'origine de ce changement : la vitesse de développement de la technologie, l’évolution des pays les plus puissants du monde, les modifications dans les sociétés post-Covid, la lutte des LGBT qui s'est renforcée avec le soutien du capital mondial, et bien d'autres raisons encore. Dans les conditions actuelles, de nombreux artistes, de Picasso à Dali, qui ont gravé leur nom dans l'histoire de l'art, auraient été affectés par la cancel culture en raison de leur vision du monde, c'est certain. Mais peut-être que dans les conditions actuelles, ces artistes penseraient différemment, et c'est très probablement ce qu'ils auraient fait. 

L'idée même de cette possibilité m'a mise mal à l'aise par rapport au titre de l'exposition et à ce qui était écrit dans le communiqué de presse. Qu'il s'agisse ou non d'un grand artiste comme Pablo Picasso, je m'interrogeais sur l'équité d'une telle rétrospective. Selon moi, toute œuvre (œuvre d'art, écrit, film, déclaration, etc.) doit être évaluée en fonction des conditions de l'époque à laquelle elle a été réalisée. Le contraire serait à la fois illogique et injuste.

Quelques jours après avoir lu la nouvelle de l'exposition « It's Pablo-matic », je suis tombée sur la nouvelle du décès de l'artiste Françoise Gilot. J'ai lu cette nouvelle dans de nombreux magazines d'art internationaux et j'ai été surprise de constater que la plupart d'entre eux utilisaient un langage similaire : presque tous mentionnaient sa relation avec Picasso et utilisaient des expressions telles que overshadowed by Picasso. Selon ces magazines, Gilot, qui était en fait une très bonne artiste, était l'une des nombreuses maîtresses de Picasso et était beaucoup plus jeune que lui. Pour cette raison, elle a été éclipsée par Picasso et nous ne l'avons pas reconnue. Ce langage me semble très injuste. J'ai trouvé cela effarant ! 

Nous parlons d'une relation qui s'est terminée dans les années 50. Est-il juste de traiter et de critiquer cette relation comme si elle se déroulait aujourd'hui ? Je ne le crois pas. Tout comme il n'est pas juste de critiquer les opinions de Picasso comme s'il était encore en vie aujourd'hui et qu'il insistait sur ces opinions. 

De toute évidence, les directeurs du Brooklyn Museum ne sont pas du même avis. Si une telle mode au bilan rétrospectif se mettait en place dans le monde de l'art, je la suivrais avec intérêt, mais ce serait je pense une tendance inquiétante. En outre, critiquer des artistes morts il y a 50 ans serait selon moi une perte de temps, alors qu'il y a d'innombrables problèmes et injustices à traiter aujourd’hui…

Sırma Parman