L’emblème d’un dessein : l’œuvre d’Utku Varlık

L’artiste peintre franco-turc Utku Varlık est né en 1942. Du côté paternel, il descend d'une famille de notables de la ville ottomane de Thessalonique (ville grecque depuis 1912). Sa famille maternelle, de grands propriétaires fonciers, est, elle, originaire d’Abkhazie, territoire situé à l'extrême ouest de la Géorgie, sur la côte nord de la mer Noire.

Par Ebru Fesli
Publié en Octobre 2023

Il a commencé sa formation artistique entre 1961 et 1966 à l'Académie des beaux-arts d’Istanbul [İstanbul Devlet Güzel Sanatlar Akademisi] dans les départements de peinture du professeur Bedri Rahmi Eyüboğlu et entre 1964-1966 dans les départements de gravure et de lithographie du professeur Sabri Berkel. 

En 1970, il se rend à Paris puis, entre 1971 et 1974, continue d’étudier la peinture à l'Académie des beaux-arts de Paris avec le professeur George Dayez, et la lithographie à l'Atelier de Cachan entre 1973 et 1975.

À partir de 1975, après avoir longtemps travaillé sur les estampes et gravures expressionnistes, il juge que « La peinture devrait être comme une mer d'été », et se dirige vers une peinture imaginative dominée par la poésie… Le monde dont ses œuvres sont issues, est rêvé sur un mode fantastico-réaliste. İl invite le spectateur à la réflexion.

Aujourd’hui encore, l’artiste travaille dans son atelier parisien et ses œuvres sont exposées dans des collections privées, des musées en Turquie et dans le monde entier. Pour en citer quelques uns : Istanbul and Ankara Fine Arts Gallery, İş Bank, Central Bank, Ankara, Dekoreks Private Collection, Ben and Abey Gray Foundation, Alix de Rothschild, Ville de Paris, Bibliothèque Nationale de Paris, Musée de la Résistance et de la Déportation à Lyon, Bülent İsmen Private Collection, Istanbul Modern Museum et Ali Hatemi Private Collection.

Son fils Alex Varlık, ancien avocat au barreau de Paris, entrepreneur et co-fondateur de l’hôtel Georges Hôtel Galata à Istanbul est le conseiller artistique de son père et possède la plus importante collection d'œuvres de l’artiste.

Avec une créativité certaine, Utku Varlık, à travers un jeu d'alternance et par le truchement de scènes presque irréelles, souhaite faire appel à notre désir de voyager. Notre imaginaire n’a plus qu’à se laisser nourrir tout en se frayant un chemin, selon sa personnalité, vers des lieux où seule notre propre expérience peut-être enrichie de mille et une sensations. Ce voile qui caresse sans trêve notre curiosité exprime la complexité du monde avec ses désirs et ses douleurs.

Une question demeure pourtant : comment pourrait-on expliquer que ces zones floues et chaotiques forment, malgré elles, un tout parfaitement homogène qui provoque une impression déconcertante d'unité et d'harmonie ?

Cette idée de désordre, de destruction, d’instabilité ou d’obscurité dans les œuvres de l’artiste annonce, selon moi, un monde nouveau, une nouvelle vie, un nouveau cycle et surtout l’emblème d’un dessein où le chaos peut engendrer l’espoir… 

Les questions existentialistes (athées ou croyants) subsistent : pourquoi sommes-nous sur terre ? Qui sommes-nous ?  Où allons-nous ?  

Dans l’œuvre en noir et blanc intitulée Sanrı [Hallucination], une colombe déployant ses ailes surgit de ce tumulte. Cet oiseau, par sa blancheur immaculée, symbolise la paix et l’espérance. 

Une lumière apparaît soudainement du fond de l’œuvre, est-ce une lueur qui promet la vie ? S’agit-il ici d’une vie qui lutte pour que l’énergie ne se disperse pas à tout va ? Ou bien un soupçon d’espoir pour essayer d’affirmer, de démontrer ou d’établir, tout en oubliant que parfois c’est juste l’impossible qui nous retient, tandis que le possible, lui, se fraye un chemin à travers cette colombe redonnant souffle à la vie ou à la toile…

Quand je regarde les oeuvres d’Utku Varlık, cela me rappelle la citation d’Omar Khayyam:

"Qu’est-ce que vivre, ai-je demandé? C’est un rêve (ou une illusion) dit-il; avec quelques images…”

L’artiste, savant, nous interpelle sans cesse pour attribuer à ses œuvres un nom, une identité ou tout simplement un style…

Eloïse Ébru Fesli