La Slovénie, pays discret des Balkans de l’ouest ?

C’est un pays dont on parle peu et pourtant, avec son indépendance le 25 juin 1991, il fut le premier à quitter la Yougoslavie.

Par Dr. Olivier Buirette
Publié en Juillet 2023

L’un des premiers aussi à entrer dans l’OTAN le 29 mars 2004 et dans l’Union européenne le 1er mai 2004. Enfin, en 2007, la Slovénie fut le premier pays ex-communiste à intégrer la zone euro.

Situé au nord de l’ex-Yougoslavie, enclavé entre un débouché sur la mer Adriatique et les Alpes, ce petit État d’un peu plus de 20 000 mètres carrés pour 2,1 millions d’habitants fait peu parler de lui. Pourtant, son positionnement géographique dans la région, son histoire qui remonte au IXe  siècle jusqu’à la période récente, sont fort intéressants.

Noyée dans les possessions de l’Empire austro-hongrois, ce n’est qu’à la fin de la Première Guerre mondiale et la dissolution de celui-ci que la Slovénie voit émerger son histoire contemporaine.

En effet, le monde qui nait après la guerre de 14-18 voit la dissolution des empires centraux et la constitution d’un État des Slaves du sud dans ce que l’on appellera plus tard les Balkans occidentaux. Fruit de l’application du principe fondamental des 14 points du président Wilson, à savoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, c’est donc la promulgation le 1er décembre 1918 d’un royaume des Serbes-Croates et Slovènes qui voit le jour, et ce bien avant la série des traités de paix de 1919-1920 qui vont redessiner toute la carte centre-européenne et au-delà.

Pour constituer la partie slovène, en plus du territoire historique autour de sa capitale Ljubljana (dont le nom du temps de la double monarchie était Laibach), on va ajouter un morceau de la Carinthie autrichienne en 1920 que les révisionnistes de l’entre-deux-guerres s’empresseront de nommer Carinthie du sud, le tout regroupé autour de Dravograd.

Enfin, au sud-ouest, on prévoit un débouché sur le golfe de Trieste, avec notamment le port de Koper situé au nord de l’ancienne ville italienne de Fiume qui deviendra la Rijeka croate. C’est Pierre 1er de Serbie qui deviendra en 1918 le premier monarque de ce royaume constitutionnel, connu également sous le nom de royaume SHS (littéralement Srba, Hrvata i Slovenaca), le H signifiant Hrvata pour Croate. En 1921 lui succédera Alexandre 1er de Yougoslavie et le 3 octobre 1929, la mutation de cet espace géopolitique s’achèvera en prenant le nom de Yougoslavie, soit littéralement « État des Slaves du sud ». Le règne d’Alexandre se terminera tragiquement le 9 octobre 1934 par l’attentat de Marseille, où une alliance entre les nationalistes croates, oustachistes d’Ante Pavelic et l’ORIM rappellera que le grand rêve de regrouper tout les Slaves du sud devait rester bien fragile.

Nous connaissons ensuite comment cette première époque de l’histoire yougoslave va se terminer avec les années 30 et les périls de l’Italie fasciste de Mussolini bientôt alliés aux menaces du Reich hitlérien, ce qui ne tardera pas à précipiter le tout dans la Seconde Guerre mondiale. Pour les Balkans, cela se traduira avant tout par un retour à la fractalisation. Le successeur d’Alexandre 1er en 1934 sera Pierre II mais, mineur, il sera placé sous la régence du prince Paul ; et en avril 1941, l’Allemagne hitlérienne, pour porter secours à Mussolini, envahit la Yougoslavie et la démembre, jusqu’à la défaite du Reich en 1945.

Cette carte éphémère qui va naitre est peu connue mais suffisamment significative pour qu’on la mentionne. L’État des Slaves du sud se retrouve ainsi dépecé au profit des alliés des forces de l’Axe dans la région. La Slovénie, la plus au nord, se voit ainsi éclatée au profit à la fois de la partie autrichienne du Reich : c’est donc le retour à l’avant 14-18 et la réintégration de la « Carinthie du sud » aux pays de langue germanique ; l’est de la Slovénie sera quant à lui rattaché à la Hongrie alors alliée d’Hitler ; et enfin la partie sud, ce qu’il reste, se retrouve sous occupation italienne.

Enfin, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie sont sous occupation allemande, alors que la Hongrie récupère la Voïvodine autour de Novi Sad qu’elle avait perdue avec le Traité de Trianon. Le sud de la Yougoslavie est, pour conclure, réparti entre l’Italie pour le Monténégro, alors que la Macédoine contestée depuis le début de l’entre-deux-guerres est annexée par l’alliée bulgare. Une grande Albanie intégrant ce qui correspond à l’actuel Kosovo est également crée.

On le voit, le principe des nationalités a été en 1941 totalement retourné à la faveur du Reich et de ses alliés.

Il faudra attendre 1945, le fait que la Yougoslavie résistante regroupée autour de Tito se libère seule du Reich pour que l’histoire d’une nouvelle Yougoslavie émerge. Ce sera cette fois-ci un État fédéral qui s’inscrira dans le camp communiste, bien que non-aligné. Un nouveau « vivre ensemble » existera donc jusqu’à la mort de son fondateur, le Maréchal Tito, et une terrible guerre civile de dissolution qui rétablira la carte régionale que nous connaissions avant 1914.

Cette petite mise au point historique permet de remettre ainsi en lumière toute l’importance du rôle que la Slovénie jouera entre 1991 et 2007 en se tournant vers l’Occident, favorisant ainsi le processus toujours en cours de pacification de cette région encore parfois troublée plus de 20 ans après sa guerre de dissolution ‒ les problèmes en cours encore au Kosovo fin mai 2023 étant là pour en montrer toute la fragilité.       

Dr Olivier Buirette