Le Souper à Emmaüs de Merisi da Caravaggio

On dit que pour comprendre un homme comme Le Caravage et son génie, il faudrait avoir plusieurs cerveaux. Ce maître violent et mystérieux a vécu une vie tumultueuse et sulfureuse. Une vie d’artiste affamé, avec un appétit tenace pour créer et recréer des histoires historiques et bibliques et les intégrer et les peindre dans un reflet de sa propre vie et de son environnement, une vie de violence extrême et de chagrin personnel.

Par Mehdi Emamifard
Publié en Janvier 2023

Le Souper à Emmaüs de Merisi da Caravaggio

On dit que pour comprendre un homme comme Le Caravage et son génie, il faudrait avoir plusieurs cerveaux. Ce maître violent et mystérieux a vécu une vie tumultueuse et sulfureuse. Une vie d’artiste affamé, avec un appétit tenace pour créer et recréer des histoires historiques et bibliques et les intégrer et les peindre dans un reflet de sa propre vie et de son environnement, une vie de violence extrême et de chagrin personnel.

Dans ce nouvel article, je vais écrire sur l’un des chefs-d’œuvre les plus beaux et les plus artistiquement complexes de tous les temps, d’une technique picturale qui rivalisait avec les artistes les plus talentueux de l’Europe de la fin du XVIe siècle. Ainsi, l’utilisation du modèle par Le Caravage était unique : la plupart des historiens de l’art pensent qu’il ne dessinait pas, mais peignait directement à partir de la réalité, sans dessin élaboré ni croquis laborieux, par coups de pinceau rapides et souples.

Le Souper à Emmaüs, peint en 1601, a exercé une profonde influence sur le monde de l’art. J’ai eu la chance de l’admirer physiquement à la National Gallery de Londres, l’été dernier. En posant les yeux sur ce chef-d’œuvre, j’ai été profondément ému devant cette scène sublime de Jésus ressuscité qui se révèle à deux de ses disciples dans la ville d’Emmaüs.

C’est une peinture grandeur nature. La scène est concentrée autour d’une table avec, en nature morte, un repas et un beau panier de fruits en équilibre instable, que vous pensez devoir rattraper dans sa chute.

L’œuvre représente le Christ qui, ressuscité après sa crucifixion, est attablé avec ses deux disciples et leur révèle son identité. Un homme, apparemment l’aubergiste, est debout à leurs côtés. Nous assistons donc, dans ce tableau puissant, au moment précis où les deux disciples posent les yeux sur le Christ ressuscité.

Les hommes sont clairement impressionnés par la révélation de cette résurrection. Le disciple à gauche avec sa veste verte en lambeaux, fixe le Christ avec stupéfaction. Nous voyons peu l’expression de son visage, mais sa réaction se marque physiquement : son geste est si réel et si vif qu’il traduit sa surprise, mais aussi sa frayeur, son état de choc.

La réaction du disciple de droite est tout aussi étonnamment réaliste. La figure de droite, avec sa main tendue vers le public comme pour qu’on lui tienne la main et qu’on touche ses doigts, nous invite visuellement dans le tableau. Car le tableau intègre plusieurs symboles et gestuelles auxquels nous pouvons nous identifier. Il y a la réaction du disciple de gauche et le geste de la main de la figure à droite dont nous avons parlé, mais aussi le panier placé en équilibre instable sur le bord même de la table : tous ces éléments si fragiles mais beaux dans le geste et la forme, comme s’ils allaient tous éclater et nous toucher. Le maître souligne ainsi la fugacité, la précarité de l’événement et les mouvements emblématiques de ce moment, fragiles et précieux et pourtant si humainement compréhensibles.

L’incroyable réalisme de la nature morte et l’attention que le maître a accordée à tous les objets de cette table, avec une totale précision et exactitude dans la couleur et la forme, sont pour moi tout à fait étonnants. Les personnages sont d’une éclatante humanité ; seul le côté droit du visage de Jésus est illuminé, et avec une telle tendresse ! Le geste physique étonnant et réaliste des apôtres est tangible et humainement spontané, leurs vêtements en lambeaux soulignent leur condition humble.

Dans mon prochain article, je parlerai plus en détail de la technique de peinture et de la philosophie de Maître Caravage car, tout comme de nombreux historiens de l’art et critiques, je le considère comme le père de l’époque baroque dans toute sa magnificence.

Michael Emami